«Mon plus beau moment en carrière»: la douce revanche de Denis Casavant avec la présence des Blue Jays en Série mondiale


Stéphane Cadorette
Nommez un événement sportif important des 35 dernières années et il y a de fortes chances que Denis Casavant l’ait commenté au micro. On s’entend que quelqu’un qui décrit des matchs de balle depuis 1989 a pratiquement tout vu. Et pourtant...
À titre de descripteur, Denis Casavant fait partie des monuments du baseball québécois. Au même titre que les Rodger Brulotte, Claude Raymond et Jacques Doucet, qui ont meublé le quotidien de millions de Québécois amoureux de ce sport.
De 1989 jusqu’à leur départ maudit en 2004, il a décrit les matchs des Expos. Au fil du temps, bien plus qu’aux Expos, il a prêté sa voix au football, au hockey et depuis plusieurs années maintenant, aux Blue Jays.
Il a décrit des Coupes Vanier. Des Coupes Grey. Des compétitions olympiques. Il était sur place à San Francisco au bon vieux Candlestick Park lors du tremblement de terre qui a ébranlé la Série mondiale de 1989. Il était là aussi au Dodger Stadium pour l’inoubliable match parfait de Dennis Martinez en 1991 pour les Expos.
Quand Alexander Ovechkin s’est approprié l’inatteignable record de buts de Wayne Gretzky, c’était encore sa voix qui résonnait sur les ondes de TVA Sports pour vous faire vivre le moment.
Lorsque j’ai joint Denis Casavant, il venait de se taper deux heures de voiture entre son hôtel à Los Angeles et l’aéroport. C’est aussi ça, Los Angeles... De longs bouchons de circulation se cachent derrière les airs glamour de la mégapole.
Un long vol l’attendait jusqu’à Detroit, puis un autre de Detroit à Toronto. Une longue journée plate, diraient certains. Pourtant, au bout du fil, j’ai vite entendu le ton amusé d’un gamin de 61 ans.
«C’est mon plus beau moment en carrière», a-t-il tranché.
Voyage dans le temps

En parlant de son plus beau moment, il ne faisait certainement pas allusion aux files de sécurité à l’aéroport ou à l’attente parfois interminable. Évidemment que la présence des Blue Jays en Série mondiale aide à oublier ces bien petits désagréments dans la balance de la vie.
Pas moins de 5000 km nous séparaient, mais Denis Casavant a quand même pris le temps de me faire voyager dans le temps avec lui. Il m’a d’abord ramené en arrière jusqu’en 1992 et 1993, quand il décrivait en studio les dernières conquêtes des Blue Jays à la Série mondiale.
«Ce n’était pas pareil. Les Expos existaient encore et ce n’était pas du tout comme c’est cette année, l’engouement qu’il y a chez nous pour les Blue Jays», a-t-il rappelé.
Un petit baume
Et tant qu’à ramener les Expos sur le tapis, il m’a transporté en 1994. Le fameux rêve brisé à Montréal par la grève dans le baseball majeur. Les Expos et leur club paqueté, qui n’auront jamais pu voir s’ils auraient tout gagné.
«Aujourd’hui, c’est le plus près que je me retrouve d’avoir pu décrire la Série mondiale en 1994, si les Expos avaient pu y participer. Cette année, je peux le vivre pour vrai», m’a-t-il dit.
Je lui ai demandé si au fond de lui, il vivait sa vengeance plus de 30 ans plus tard.
«Un peu, oui, mais je n’utiliserais pas le mot vengeance. La manière dont je vois ça, c’est que beaucoup de gens ont adopté les Blue Jays parce que c’est la seule équipe canadienne et plusieurs adorent suivre Vladimir Guerrero Jr. C’est un peu rendu notre équipe, même si ça ne remplacera jamais les Expos.
«Quand je décris le match, c’est évident que je le fais plus comme fan des Jays. Ça change mon approche par rapport à quand je ne suis pas impliqué émotivement. On le sent dans la voix et l’émotion que c’est différent», m’a-t-il répondu.
Les Jays et Rodger

De retour en 2025, Denis Casavant a pris un peu de recul et voit bien mal quel événement sportif pourrait lui procurer plus de fierté que celui qu’il couvre en ce moment.
«Présentement, je peux le dire, ça va être le plus grand événement que j’ai décrit. La Série va se gagner à Toronto. Je ne peux pas demander un meilleur scénario», a-t-il statué.
«Mon plus beau souvenir est depuis longtemps le match parfait de Dennis Martinez au Dodger Stadium. C’est quoi les chances que ça arrive à un joueur de ton équipe locale? Mais si les Blue Jays gagnent, ça va devenir le plus grand souvenir de ma carrière.»
Avant que je raccroche pour laisser Denis sauter dans l’avion, il fallait parler de son grand ami Rodger Brulotte, qui se bat contre un satané cancer. Il est peut-être, après tout, le seul ingrédient manquant à la recette de ce moment parfait.
«C’est triste que Rodger n’ait pas eu la chance de vivre ce moment-là. On se parle presqu’à tous les jours. Il est impressionné de voir comment l’équipe joue.
«Quand ça va bien, je le sais, parce qu’il critique encore les décisions de John Schneider», a laissé tomber Denis en riant.
La maladie a besoin de se lever tôt pour briser un tel duo.