«Mon chariot, ça attire les regards»: il souhaite vaincre l’invisibilité de l’itinérance
Il trimballe un immense chariot débordant d’objets

Marianne Lafleur
Avec son immense chariot rempli de centaines de canettes et d’objets insolites qu’il trimballe au centre-ville de Montréal, un itinérant avoue vouloir ainsi attirer l’attention sur une réalité que l’on préfère souvent ignorer.
«Mon chariot, ça attire les regards, j’aime ça», lance d’emblée Evans Luzencourt. Il se désole que la communauté des personnes sans abri soit souvent invisible aux yeux des autres citoyens.
Sur son panier d’épicerie, on retrouve notamment un casque de vélo, des gobelets, un enjoliveur de roue, des crayons, un bâton et des vêtements.
«Ce sont des canettes que je ramasse et de la nourriture. Des objets pour m’aider à survivre. Les autres objets c’est pour décorer», mentionne-t-il.
L’homme de 49 ans, qui se présente comme un réfugié politique d’Haïti, est arrivé au Québec en 1999 avec sa famille. Son itinérance, conte-t-il, est le résultat d’une série de malchances: perte d’emploi, mort de sa grand-mère avec qui il habitait, perte de sa prestation d’aide sociale et situation familiale difficile. Avec pour conséquence qu’il est dans la rue depuis 2011.
Depuis quelques années, il chérit un panier d’épicerie en le décorant d’objets qu’il trouve ou qu’il achète. «J’aime ça décorer mon panier, mais ça me prend du temps parfois et de l’argent. Quand il y a des grandes fêtes et des rassemblements, là, je décore plus», dit-il.
Il explique d’ailleurs qu’il s’était procuré deux horloges au coût de 6$ pour en orner son chariot, mais qu’il a dû s’en départir parce que la pluie les avait abîmées. Il espère un jour avoir un toit pour entreposer ses effets personnels sans craindre de les perdre.

Les canettes en guise de revenu
Outre l’argent que les passants lui donnent, M. Luzencourt tire son revenu des canettes et des bouteilles qu’il amasse. Il a toujours usé de cette méthode, mais ce n’est qu’au cours des dernières années qu’il a opté pour un chariot plus grand. «Un gros chariot fait plus d’argent», explique-t-il.
D’ailleurs, au moment où Le Journal l’a rencontré, il se trouvait tout près d’une épicerie sur la rue Notre-Dame Ouest, prêt à aller empocher ses sous en y vendant sa récolte du jour.
Dans ses bonnes journées, il peut amasser jusqu’à 90$ par jour, mais il arrive aussi qu’il peine à récolter 30$.
«Il y a plein de gens qui me connaissent dans le quartier. Ils sont habitués àI me voir. Ils me donnent des 5$ ou même des 20$, ça dépend», raconte-t-il, vêtu d’une tuque et d’un manteau même en juillet, car il admet être toujours frileux.
Il rêve d'être «l’employé du mois»
Malgré tout, l’homme garde espoir qu’un jour, il trouvera un logement et un emploi. Il refuse de passer sa vie dans la rue.
Avec un brin d’espoir dans la voix, il confie son rêve: «J’espère un jour avoir un emploi et peut-être même, on ne sait jamais, être l’employé du mois, mais ça ne va pas être facile [...], la vie est difficile, je me sens fatigué, je suis épuisé.»