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L'article provient de TVA Nouvelles

Moins de pesticides ailleurs au Québec qu'en Montérégie

Les cultures sont moins intensives et les rivières plus grandes, ce qui permet de diluer davantage les pesticides

La rivière Blanche coule dans la MRC de Portneuf dans la région de la Capitale-Nationale
La rivière Blanche coule dans la MRC de Portneuf dans la région de la Capitale-Nationale Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC
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Annabelle Blais

2023-07-16T04:00:00Z
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Plusieurs rivières de la Capitale-Nationale et du Saguenay-Lac-Saint-Jean contiennent des pesticides, mais la situation y est moins grave qu'en Montérégie.

Dans la rivière Etchemin à Saint-Romuald, en 2015, 20 pesticides ont été détectés, et 17 l’ont été dans la rivière Chaudière cette même année. En 2016, la rivière du Sud, à Montmagny, en comptait 12.

Ce n'est pas idéal, mais c'est tout de même la moitié de ce que l'on retrouve dans certaines rivières de la Montérégie.

«Ce sont des secteurs où les cultures peuvent être moins intensives, moins d’utilisation de pesticides, [...] et parfois il y a de plus gros tributaires (cours d’eau), donc plus de dilution», explique Anoucka Bolduc, responsable du suivi environnemental des pesticides au ministère de l’Environnement, pour expliquer les écarts entre les résultats de la Montérégie et des secteurs plus au nord de Trois-Rivières.

Par exemple, aucun pesticide n’a été détecté dans la rivière Batiscan en 2018. Dans son bassin versant, les cultures ne couvrent que 4,6% du territoire, dont 1,6% de maïs et de soya, précise le rapport du ministère.

C'est ce qui explique que les rivières dans la région de la Capitale-Nationale ou du Saguenay-Lac-Saint-Jean ne sont échantillonnées que sur une base ponctuelle.

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Pommes de terre

Dans la rivière Blanche, près de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier, 10 pesticides ont été détectés en 2018. Cette rivière fait partie du réseau de suivi des cours d’eau situés en zone de culture de pommes de terre.

Les principales régions productrices de pomme de terre au Québec sont la Capitale-Nationale et la Chaudière-Appalaches. La pomme de terre compose 40,7% des superficies cultivables du bassin versant où se trouve la rivière Blanche.

Deux néonicotinoïdes, une famille d'insecticides connue comme étant les pesticides tueurs d’abeilles, ont été détectés dans 100% des échantillons, indique le plus récent rapport datant de 2019 pour les années 2017 et 2018. Leur concentration était d’ailleurs particulièrement élevée et menaçait la vie aquatique.

La règlementation resserrant l'usage a toutefois été introduite en 2018. Il faudra attendre les prochains suivis prévus en 2024-2025 pour voir si la tendance est à la baisse et si, comme dans les cultures de maïs et de soya, ils ont été remplacés par le chlorantraniliprole, un insecticide toxique pour les organismes invertébrés.

Cet insecticide est toutefois déjà présent dans 100% des échantillons de la rivière Blanche. 

Des pesticides, pas seulement dans l’eau

Les pesticides se retrouvent dans les sédiments de ces rivières, confirment des échantillonnages exploratoires du ministère dont les résultats viennent d’être publiés. Sur les 18 rivières qui ont été échantillonnées, des pesticides ont été retrouvés dans les sédiments de chacune d’entre elles. 

Le glyphosate, cet herbicide que l’on connait mieux sous le nom de Round Up qui pourrait être cancérigène (les études ne sont pas unanimes) a été détecté dans les sédiments de tous les cours d’eau. C’est d’ailleurs l’herbicide le plus vendu au Québec.

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C’est dans le ruisseau Gibeault-Delisle et la rivière Saint-Régis qu’on a enregistré les concentrations les plus élevées de Round Up dans les sédiments. C’est aussi dans ces deux cours d’eau que le plus grand nombre de pesticides différents a été détecté les sédiments, soit 15 et 10 respectivement. 

Étrangement, on ne connait pas vraiment les risques du glyphosate dans les sédiments, car il y a peu d’étude quant à ses effets sur les espèces aquatiques, selon l’étude du ministère. «Il n’y a presque pas de critère pour les pesticides dans les sédiments pour évaluer les effets sur les organismes aquatiques, notamment pour les herbicides comme le glyphosate, dit Mme Bolduc. Donc on a peu d’information sur l’effet de l’herbicide sur les plantes aquatiques enracinées dans les sédiments.»

Les herbicides à base glyphosate ont mauvaises réputations depuis quelques années et commencent à être interdits dans certaines municipalités. C’est le cas depuis peu à Montréal, Granby et le sera à Québec en 2024.

Moins de pesticides tueurs d’abeilles, mais... 

Parmi la soupe de pesticides dans nos rivières, on trouve des néonicotinoïdes, les fameux insecticides tueurs d’abeilles. Si leur présence tend toutefois à diminuer, une autre substance, tout aussi menaçant est venu les remplacer

En 2018, un règlement est venu resserrer l’usage de cinq pesticides, dont trois néonicotinoïdes. 

«Ça ne veut pas dire qu’ils sont bannis, ça prend un agronome qui justifie et prescrit l’utilisation, précise Anoucka Bolduc, du ministère de L’Environnement. Mais on voit que ç’a eu un effet». 

Leur présence dans les cours d’eau a diminué dans les rivières situées en zone de culture de maïs et soya, selon le rapport du ministère publié l’automne dernier pour la période de 2018-2020.

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Mais malgré cette diminution, ils sont encore responsables de la grande majorité des dépassements de critères de protection de la vie aquatique. «Ils sont quand même assez persistants, ils peuvent rester dans les matières organiques des sols», ajoute Mme Bolduc.

Les néonics et leur nombreux dépassement, en plus de tous les autres pesticides, continuent donc de représenter « un risque pour les espèces aquatiques de ces cours d’eau», précise le plus récent rapport du ministère

Autre mauvaise nouvelle : la diminution des tueurs d’abeilles semble s’être faite au profit du chlorantraniliprole. L’insecticide est maintenant détecté pratiquement tous les des échantillons des quatre cours d’eau situés en zone de maïs et soya et les concentrations sont à la hausse.

Ce produit est extrêmement toxique chez les invertébrés d’eau douce et légèrement toxique pour les poissons d’eau douce, selon la base de données SAgE pesticides. Par exemple, dans la rivière Chibouet, ce pesticide a été détecté pour la première fois en 2015. Trois ans plus tard, il était détecté tous les échantillons du cours d’eau et c’est encore le cas aujourd’hui.

Des dépassements critère de qualité de l’eau pour la protection des espèces aquatiques pour le chlorantraniliprole sont d’ailleurs survenus dans la rivière Saint-Régis entre 2018 et 2020.

Le ministère compte toutefois inclure cet insecticide à la liste de pesticides visés par la nouvelle règlementation qui limite leur utilisation.

Et chez vous?

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