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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

Miguel Bonnefoy s'est inspiré de l'histoire extraordinaire de son grand-père pour écrire son nouveau roman

Le rêve du jaguar

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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2024-09-21T07:30:00Z
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Écrivain flamboyant qui nous fait rêver avec ses histoires campées en Amérique du Sud, Miguel Bonnefoy revient cette année avec un roman inspiré en grande partie de l’incroyable odyssée de son aïeul Antonio. Abandonné sur les marches d’une église alors qu’il n’avait que trois jours, le petit a été recueilli par une mendiante, et, prenant son destin en main, est devenu une figure importante du Venezuela. Miguel raconte cette histoire familiale qui s’entrelace dans celle d’un pays, à sa façon, dans Le rêve du jaguar.

Le rêve du jaguar est publié aux Éditions Rivages.
Le rêve du jaguar est publié aux Éditions Rivages. © Éditions Rivages

Antonio, élevé dans la misère dans un faubourg de Maracaibo, décide très tôt d’en sortir. Intelligent, futé et débrouillard, il devient vendeur de cigarettes, porteur sur les quais, domestique dans une maison close avant d’entreprendre des études supérieures. Il est devenu l’un des plus grands chirurgiens du pays.

Ana Maria, son exceptionnelle compagne, est elle aussi une pionnière : elle est devenue la première femme médecin de leur région. Elle donnera naissance à une fille prénommée Venezuela, qui rêve d’aller vivre à Paris...

La muette Teresa

«C’est absolument l’histoire familiale. Antonio Borjas Romero est mon grand-père! C’est un personnage qui a été historique et c’est le père de ma mère, tout simplement», révèle Miguel Bonnefoy, en entrevue.

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«Je n’ai pas changé les noms. Il a été réellement orphelin et il a vraiment été éduqué par cette femme qui s’appelait la muette Teresa, que ma mère a connue et qui a vraiment existé. Elle était une femme un peu de la rue, muette et sourde, très maigre. Ma mère m’a raconté tout ça.»

«Et puis, Antonio Borjas Romera a eu une histoire tellement étonnante que beaucoup de biographies ont été écrites sur lui. Lui, il a écrit son autobiographie aussi. Et il y a énormément de presse et d’archives sur sa vie. J’ai pratiquement, minute après minute, toute sa vie, parce que c’était un personnage qui était très important.»

Sa grand-mère, Ana Maria Rodriguez a vraiment été la première femme gynécologue obstétricienne de tout l’ouest du Venezuela. Et ce fut une femme qui a aussi fait de la politique. «Elle a été secrétaire générale d’un des partis socialistes les plus importants», précise l’auteur. «C’est vraiment des gens qui non seulement ont existé, mais qui ont été en fait des rock stars de l’époque!»

La mythologie familiale

Se plonger à la fois dans les notes historiques et dans l’histoire familiale a été pour lui un exercice fascinant. «Il y a l’histoire familiale, le travail de registre, de travail de la mythologie familiale, les souvenirs, et bien sûr, toute cette documentation qui est très personnelle et qui reste un peu en cocon fermé.»

Il s’est longuement demandé comment arranger, à un niveau narratif, une histoire qui partait souvent dans tous les sens, comme c’est souvent le cas dans la réalité.

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Pour lui, tout était un subtil travail de dosage. «Il n’y a rien de plus délicieux que de faire plier la réalité pour satisfaire les tentations de la fiction».

La magie de la littérature

L’écrivain au style riche et coloré utilise tout ce que la langue française offre pour rendre cette histoire magistrale au point de vue littéraire. «J’observe comment l’universalité d’un passage peut parfois être beaucoup plus marquant que son aspect personnel. C’est pour ça que j’ai essayé de maquiller le plus possible le côté récit, biographie de la famille.»

Il souhaite ainsi que ses lecteurs, peu importe où ils se trouvent dans le monde, puissent ressentir des émotions fortes, «liées avec une histoire d’amour, avec la mort, avec le passage du temps, avec la quête du bonheur, avec la persévérance et les transfuges de classe.»

Le rêve du jaguar

Miguel Bonnefoy

Éditions Rivages

Environ 300 pages

  • Miguel Bonnefoy est un écrivain franco-vénézuélien.
  • Il a écrit plusieurs romans remarquables, dont Le voyage d’Octavio (prix de la Vocation 2015) et Héritage (Prix des libraires, 2021).
  • On lui doit aussi Sucre noir (prix Mille Pages 2017, prix Renaissance 2017).
  • Ses romans sont traduits dans plus de 20 langues.

«Au troisième jour de sa vie, Antonio Borjas Romero fut abandonné sur les marches d’une église dans une rue qui aujourd’hui porte son nom. Personne ne put dire précisément à quelle date il fut trouvé, on sait seulement que tous les matins, toujours au même endroit, une femme misérable avait l’habitude de s’asseoir là pour déposer devant elle une écuelle en calebasse et tendre une main fragile aux passants du parvis. Quand elle aperçut l’enfant, elle le repoussa d’un geste dégoûté. Mais son attention fut soudainement attirée par une petite boîte brillante, cachée entre les plis du lange, que quelqu’un avait laissée là comme une offrande.»

– Miguel Bonnefoy, Le rêve du jaguar, Éditions Rivages

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