Michael Sabia sera-t-il plus fidèle à Carney qu’à Hydro-Québec?

Michel Girard
Après avoir changé quatre fois d’emploi en l’espace de cinq ans, et compte tenu du grand nombre de chantiers qu’il a laissés en plan à Hydro-Québec après moins de deux ans en poste comme PDG, les paris sont ouverts: combien de temps Michael Sabia gardera-t-il son nouvel emploi de greffier du Conseil privé et secrétaire du cabinet de Mark Carney?
En tant que grand patron de la fonction publique fédérale et poids lourd du nouveau gouvernement Carney, M. Sabia occupera à compter du 7 juillet le plus stratégique et important poste de sa carrière.
Mais depuis qu’il a quitté en janvier 2020 son prestigieux travail de PDG de la Caisse de dépôt et placement, Michael Sabia a la bougeotte.
Qui plus est, il n’est pas fort sur le devoir de réserve et de retenue. Lors du déclenchement de la guerre tarifaire en février, le PDG d’Hydro avait attaqué Donald Trump lors d’une allocution au Cercle canadien de Montréal.
«Ce sont des menaces à nos entreprises, à notre bien-être collectif. Trump veut briser notre confiance... Le président des États-Unis est un intimidateur, avait-il dit. Il faut montrer que nous sommes prêts à lui tenir tête. Tarif pour tarif. La force, c’est ce que les gens à Washington comprennent.»
En cette période cruciale de négociations tarifaires entre Donald Trump et Mark Carney, M. Sabia saura-t-il se garder une petite gêne?
Ces dernières années, Michael Sabia a occupé à tour de rôle les postes suivants:
- Janvier 2020: directeur de la Munk School of Global Affairs & Public Policy de l’Université de Toronto.
- Avril 2020: président du conseil d’administration de la Banque de l’infrastructure du Canada.
- Décembre 2020: sous-ministre des Finances dans le gouvernement de Justin Trudeau.
- Août 2023: président-directeur général d’Hydro-Québec.
Qu’a-t-il laissé derrière lui?
Des finances publiques fragiles
À titre de sous-ministre des Finances, sous Chrystia Freeland, Michael Sabia a chapeauté le dépôt de trois budgets lourdement déficitaires:
- Budget 2021-2022: déficit de 90,3 milliards $
- Budget 2022-2023: déficit de 35,3 milliards $
- Budget 2023-2024: déficit de 61,9 milliards $
Pas faciles, les finances publiques sous Justin Trudeau!
Et si Mark Carney met de l’avant toutes ses promesses électorales, les défis budgétaires s’annoncent extrêmement élevés.
Il a chamboulé Hydro
Sous la férule de M. Sabia à Hydro-Québec, il est derrière l’important projet de loi sur l’énergie qui vient d’être adopté sous bâillon par le gouvernement caquiste.
Il a aussi largement contribué à aider le gouvernement Legault à conclure l’importante entente sur le complexe Churchill Falls entre le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador.
Il est également derrière les ambitieux projets de travaux d’expansion et de réfection d’Hydro-Québec, au coût de 180 milliards $.
Le problème avec Sabia? Après seulement 1 an et 11 mois, il quittera le bateau, laissant ainsi le gouvernement Legault se débrouiller avec les chambardements qu’il a créés!
Un financier efficace
Sous le long règne de Michael Sabia, la Caisse de dépôt aura réalisé une belle performance. Au 31 décembre 2019, la Caisse avait enregistré un rendement annualisé de 8,1% sur cinq ans et de 9,2% sur 10 ans.
Elle avait ainsi battu ses indices de référence par presque un point de pourcentage. L’actif net de la Caisse était passé de 131 milliards (2009) à presque 340 milliards à la fin de 2019.
Et des gaffes avec ça
Du haut de son pouvoir, Michael Sabia a commis, à mon avis, quelques mémorables gaffes anti-Québec inc.
Il a donné le feu vert à la multinationale américaine Lowe’s pour qu’elle mette le grappin sur Rona, s’engageant à lui céder le gros bloc d’actions du détaillant que la Caisse détenait. Depuis, Lowe’s a revendu Rona à un fonds américain.
Il est responsable de la vente du fleuron Camso (un producteur de pneus spécialisés) à la multinationale française Michelin. Comme principal actionnaire, la Caisse a accepté de céder son bloc d’actions de Camso.
REM à problèmes
Un mot sur le REM, dont il est l’instigateur. Comme on le sait, le REM est financé à même nos impôts, taxes et épargnes. Malgré cela, Michael Sabia a préféré acheter des trains construits en Inde par le géant français Alstom au lieu d’opter pour les trains produits par Bombardier Transport à La Pocatière.
Malheureuse coïncidence, toujours est-il que le REM de Sabia ne va pas bon train depuis sa mise en service alors qu’il a connu depuis deux ans un ensemble de problèmes.
Le Québec pourra-t-il compter sur Michael Sabia pour qu’il défende nos intérêts auprès de Mark Carney? Le Canada d’abord, voilà sa priorité!