Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Travailleurs étrangers temporaires retournés dans leur pays: un propriétaire d’entreprises dénonce de devoir «briser des vies»

Photo Agence QMI, JOEL LEMAY
Partager
Photo portrait de Louis Deschênes

Louis Deschênes

2025-06-19T04:00:00Z
Partager

Un propriétaire d’entreprises dénonce le fait d'avoir à choisir quels travailleurs étrangers il devra mettre à la porte à cause des mesures restrictives des gouvernements.

Depuis septembre dernier, ces nouvelles règles obligent des dirigeants d’entreprises «à briser des vies», lance Frédéric Albert, président de Fibrobec, à Belœil.

Frédéric Albert, président des Industries Fibrobec, à Beloeil.
Frédéric Albert, président des Industries Fibrobec, à Beloeil. Photo Agence QMI, JOËL LEMAY

Le fabricant de boîtes en fibre de verre pour les camionnettes compare les choix déchirants qu’il doit faire à celui d’un père de famille forcé de décider lequel de ses enfants il enverra à la guerre.

«C’est indécent», résume M. Albert, qui a écrit une lettre ouverte publiée dans Le Devoir.

Il reproche le manque de sensibilité des décideurs qui, dans leurs tours de bureaux, ont décidé du jour au lendemain que le taux de travailleurs étrangers temporaires (TET) par entreprise allait passer de 20% à 10%.

Le propriétaire de trois entreprises compte environ 230 employés, dont une trentaine de TET. Sur ce lot, une dizaine qui occupait des postes clés devra quitter le pays.

«Je tiens à préciser que ce n’est pas seulement le nombre qu’il faut regarder, mais les histoires derrière.»

• Écoutez aussi cet épisode balado tiré de l'émission de Francis Gosselin, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Publicité

Des tragédies humaines

Depuis plusieurs années, il s’implique dans l’intégration des travailleurs étrangers, il connaît donc le quotidien de ces gens-là.

«Quand je frappe à la porte [de mon employé] et que les enfants me répondent dans un français impeccable à Belœil, je trouve que c’est une belle fierté, une belle intégration», dit-il.

Pour M. Albert, cet exemple est frappant de réalité puisque, bientôt, quand il remettra sa veste de président de Fibrobec, il devra peut-être choisir de tous les renvoyer dans leur pays.

Il rappelle que, parmi ces travailleurs, il y en a qui ont cinq enfants; d’autres ont des adolescents qui s’apprêtent à vivre un bal des finissants, d’autres encore ont des sportifs qui jouent dans des équipes de soccer.

Plusieurs se sont refait une vie au Québec et sont des citoyens qui contribuent à la société québécoise.

«La roulette russe»

Il explique que la situation est très déstabilisante pour les gestionnaires en ressources humaines.

«Le renouvellement des permis de travail, c’est comme jouer à la roulette russe», lance-t-il.

Frédéric Albert est convaincu que la situation serait facile à trouver, mais il faut que les paliers de gouvernement bougent rapidement avant que les manufactures percutent le mur.

«Tu mets une clause grand-père et c’est réglé. C’est tellement simple.»

Publicité

Mardi, la Fédération des chambres de commerce du Québec a demandé un moratoire sur les restrictions concernant les TET.

La perte des TET en chiffres pour deux entreprises

Photo collaboration spéciale Kévin Beaulé
Photo collaboration spéciale Kévin Beaulé

Des entreprises manufacturières ont profité de la visite des représentants des chambres de commerce du Québec à Rivière-du-Loup, mardi, pour expliquer en chiffres l’impact de la perte des travailleurs étrangers temporaires (TET) dans leurs opérations.

L’usine d’Aliments Asta, de Saint-Alexandre-de-Kamouraska, est composée de 525 employés, dont 150 travailleurs étrangers temporaires.

Depuis l’annonce des nouvelles mesures en septembre dernier, l’entreprise de transformation de porcs a perdu 25 TET formés et intégrés dans la communauté.

Si rien ne change, 30 autres travailleurs seront retournés dans leur pays dans les prochains mois.

La directrice exécutive Édith Laplante a aussi admis que la perte des TET freinait les projets d’investissement et mettait à risque l’entreprise.

Départs à la retraite

Chez Lepage Milwork, de Rivière-du-Loup, la pénurie de main-d’œuvre est comblée par les travailleurs étrangers temporaires.

Le copropriétaire François-Xavier Bonneville a dévoilé des statistiques sur les départs à la retraite afin d’illustrer l’importance des TET.

Depuis 5 ans, 100 employés sont partis à la retraite et les dirigeants évaluent qu’ils en perdront une centaine d’autres dans les 5 prochaines années.

Pour ceux qui seraient tentés de penser que l’embauche de Québécois viendrait régler le problème, M. Bonneville avait également une réponse à leur fournir.

«L’année passée en 2024, Lepage Milwork a embauché 70 personnes qui étaient déjà sur le territoire, principalement des Québécois. À l’heure où l’on se parle, il nous en reste 5 de ces 70-là», a-t-il confié.

En contrepartie, le taux de rétention des 115 travailleurs étrangers temporaires embauchés depuis trois ans par le fabricant de portes et de fenêtres est de 95%.

D’ici 2026, l’homme d’affaires évalue à 65 le nombre de TET qui risquent de quitter son entreprise.

Vous avez un scoop à nous transmettre?

Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?

Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.

Publicité
Publicité