Mérule pleureuse: une Québécoise a dû démolir entièrement sa maison ruinée par ce champignon ravageur
Sa vie bouleversée par la mérule, elle déplore que des propriétaires traversent cette dure épreuve sans soutien gouvernemental

Félix Desjardins
Le prix des propriétés grimpe en flèche et l’état du parc immobilier se détériore. Les maisons qui restent abordables (et encore!) ont souvent manqué de beaucoup, beaucoup d’amour! Le Journal est allé à la rencontre d’acheteurs qui se sont lancés dans le projet de rénover une maison insalubre pour économiser des dizaines de milliers de dollars. Mais ont-ils remporté leur pari?
Une Québécoise a fait démolir et reconstruire sa maison en raison d’une contamination de mérule pleureuse, des travaux qui auraient été pratiquement impossibles sans soutien gouvernemental.
Native de la Gaspésie, Julie Fournier-Lévesque est retournée sur sa terre natale en 2017 en compagnie de son conjoint et sa fille, après un séjour de quelques années dans le Centre-Sud de Montréal.
«On a acheté une très vieille maison qui avait besoin d’amour, à Barachois, entre Percé et Gaspé, raconte-t-elle. On connaissait sa condition, mais on a acheté la maison sans garantie légale et on a fait un gros blitz de rénovation.»
Le rêve de s’établir en sol gaspésien allait tourner au vinaigre cinq ans plus tard, lors de la découverte effarante de mérule sous le plancher du rez-de-chaussée.
Des signes inquiétants
Avec sa jeune fille, le couple filait le parfait bonheur... jusqu’à ce que monsieur, «mycologue amateur», repère des signes avant-coureurs de la présence de champignons dans la maison, en 2022.
«Il y avait des odeurs dans la maison et j’étais souvent malade, se souvient-elle. J’ai développé un gros problème d’asthme. Il n’y a pas d’études qui prouve que la mérule peut nuire à la santé, mais souvent, quand il y a de la mérule, il y a d’autres moisissures.»

Lorsqu’est venu le temps de rénover le perron, le cauchemar s’est concrétisé: la mérule pleureuse avait envahi le vide sanitaire de la maison. La première étape était de trouver un spécialiste qui pouvait poser un diagnostic, un défi plus imposant dans une région recluse. Après d’amples recherches, un expert de Rimouski a accepté de faire près de cinq heures de route pour déterminer l’étendue du problème. Son diagnostic était sans équivoque.

«Il nous a dit qu’il n’avait jamais vu autant de mérules dans sa vie, glisse-t-elle. Il y avait des spots sur tout le plafond du vide sanitaire. Il nous a suggéré la démolition.»
La mérule, qui fait pourrir le bois en le rendant friable, est un champignon dévastateur pour les maisons en raison de sa grande adaptabilité.
Un programme salutaire

Le Programme d’intervention résidentielle – mérule de la Société d’habitation du Québec a permis à Mme Fournier-Lévesque de garder la tête hors de l’eau pendant la période la plus stressante de sa vie. La subvention d’un peu plus de 100 000$ lui a offert un coussin nécessaire pour démolir la maison délabrée et la remplacer par une maison préfabriquée, des travaux qui ont ultimement coûté près de 375 000$.

Depuis le 31 mars dernier, les propriétaires qui ont été «pigés à la loto de la mérule», comme le décrit celle qui œuvre comme agente de mobilisation en développement social, sont laissés à eux-mêmes en vertu de l’annulation du Programme d’intervention. Une situation choquante pour Mme Fournier-Lévesque, qui vient en aide à d’autres propriétaires en s’impliquant auprès de l’organisme Mérule Québec.

«C’est un scandale, déplore-t-elle. Le programme n’était pas adapté à toutes les situations et on voulait qu’il soit amélioré, mais là, il n’y en a tout simplement plus.»
Une situation terrible
Même si sa situation financière a été ébranlée par cette situation malheureuse, Mme Fournier-Lévesque se trouve chanceuse dans sa malchance: sa famille a pu se loger gratuitement chez sa belle-mère pendant les travaux, qui ont duré plus d’un an.
Consciente de son «privilège», elle veut aller au front pour les propriétaires touchés moins «outillés et réseautés» qu’elle, particulièrement ceux en région éloignée, qui pourraient être de plus en plus nombreux en raison de la détérioration du parc immobilier et des changements climatiques, qui contribuent à l’épanouissement de champignons comme la mérule.
«Il y a des gens qui habitent dans leur maison contaminée, parce qu’ils n’ont pas le choix, et d’autres qui considèrent simplement de l’abandonner. C’est terrible. Ces gens-là sont littéralement abandonnés par l’État», conclut-elle.