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L'article provient de Le Journal de Montréal
Justice et faits divers

«Menaces à peine voilées»: pas d’immunité pour le juge en chef Henri Richard

Il est poursuivi au civil par une ancienne juge en chef adjointe de la Cour du Québec

Le juge en chef de la Cour du Québec, Henri Richard, lors de la rentrée judiciaire à Montréal en septembre 2024.
Le juge en chef de la Cour du Québec, Henri Richard, lors de la rentrée judiciaire à Montréal en septembre 2024. Photo d'archives, Chantal Poirier
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Michael Nguyen

2025-02-21T16:30:00Z
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Le juge en chef de la Cour du Québec n’a pas une immunité absolue, a rappelé un tribunal supérieur en refusant de rejeter une poursuite civile de 434 225$ intentée contre lui par une magistrate qui lui reproche de lui avoir fait des «menaces à peine voilées» pour l’inciter à démissionner.

«L’immunité judiciaire est strictement rattachée à l’exercice de la fonction judiciaire et existe uniquement au profit des citoyens», a rappelé la Cour supérieure la semaine passée dans le district de la Capitale-Nationale.

Du même coup, elle rejetait une demande du juge en chef Henri Richard de faire tomber la poursuite civile qui pèse sur lui depuis près d’un an.

Ce litige inhabituel a été intenté par Martine L. Tremblay, une ex-juge en chef adjointe de la Cour du Québec. Cette dernière a été nommée par décret du gouvernement en 2019 et son mandat devait prendre fin sept ans plus tard.

Elle épaulait Lucie Rondeau, alors à la tête de ce tribunal. Quand cette dernière a terminé son mandat en 2023, le gouvernement a nommé Henri Richard en tant que juge en chef de la Cour du Québec.

Martine L. Tremblay a été juge en chef adjointe, responsable de la Chambre civile, à la Cour du Québec.
Martine L. Tremblay a été juge en chef adjointe, responsable de la Chambre civile, à la Cour du Québec. Annie Simard Photographe

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Situation envenimée

C’est là que les relations entre Henri Richard et Martine L. Tremblay se seraient envenimées.

«À ce moment [Henri Richard] dit clairement [à Martine L. Tremblay] qu’elle ne fait pas partie de ses plans, est-il indiqué dans la poursuite civile. Il va même jusqu’à lui mentionner qu’il demandera une modification de la loi afin d’abolir son poste si elle refuse de démissionner.»

Il lui a plus tard annoncé qu’elle était tassée des réunions avec les juges en chef et qu’elle était «dessaisie de toutes ses responsabilités à l’égard de tous les comités sur lesquels elle siège et elle qu’siégera», selon des courriels déposés en preuve.

Malgré tout, Martine L. Tremblay a refusé de démissionner.

«Je considère que ta lettre est un affront à mon autorité [...], je verrai donc à prendre les mesures qui s’imposent au moment opportun», a répondu le juge Richard.

Démission

Martine L. Tremblay estime avoir fait l’objet de «menaces à peine voilées de représailles». Elle a finalement abdiqué en mars 2024, disant au ministre de la Justice Simon Jolin-Barrette être «contrainte, afin de protéger [sa] santé, de mettre un terme à [sa] fonction de juge en chef adjointe».

Elle est depuis revenue sur le banc à entendre des causes civiles entre citoyens tout en intentant un recours civil contre le juge en chef, lui réclamant 434 225$, dont 50 000$ à titre de dommages exemplaires.

Ce dernier a répliqué en plaidant son immunité, en disant avoir agi dans le cadre de ses fonctions. D’autant plus que, selon lui, toute l’affaire s’inscrivait dans le litige qui opposait la Cour du Québec au ministre de la Justice à propos du bilinguisme des juges.

Après analyse de toute la preuve, l’argument a été rejeté.

«Lorsque [Henri Richard] requiert la démission de [Martine L. Tremblay], il n’agit pas à l’intérieur ou même dans le cadre ou le contexte de ses fonctions judiciaires», a conclu le juge Bernard Godbout, qui a ainsi permis à la poursuite civile d’aller de l’avant.

L’affaire devrait être entendue sur le fond à une date ultérieure.

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