Publicité
L'article provient de Le Journal de Québec
Société

Mégantic: «Cette série coup de poing m'a frappée de plein fouet»

Partager
Photo portrait de Sophie Durocher

Sophie Durocher

2023-02-10T05:00:00Z
Partager

Vous vous souvenez du film Quatre mariages et un enterrement ? Après avoir vu en rafale les huit épisodes de la série Mégantic sur Club illico, j’ai pensé qu’on pourrait la rebaptiser Un mariage et 47 enterrements. 

Cette série coup de poing m’a frappée de plein fouet. Pendant ces huit heures de visionnement intensif, j’ai eu l’impression de vivre de l’intérieur le deuil des 47 victimes de la tragédie du 6 juillet 2013. Et un mariage rassembleur...

LA FICTION THÉRAPEUTIQUE

Je dis 47 victimes, mais il faudrait dire 48. Car un jeune homme de Mégantic, dont la blonde a péri dans l’explosion du train, s’est suicidé peu de temps après. 

À QUB radio j’ai interviewé Sylvain Guy, qui a écrit cette série après avoir fait une multitude d’entretiens avec des proches et des survivants. Il m’a raconté que la mère du jeune homme en question l’a approché en lui disant : « Pourquoi à chaque fois qu’on parle de Mégantic, on parle de 47 victimes ? Moi mon fils s’est suicidé : la 48e victime, je suis tannée qu’on l’oublie ! J’aimerais ça qu’on s’en rappelle ». 

Sylvain Guy a donc décidé de lui consacrer tout un épisode, le quatrième. Impossible que vous restiez les yeux secs en regardant ces scènes qui vont vous arracher le cœur. 

Publicité
  • Écoutez l'entrevue avec Alexis Durand-Brault et Sylvain Guy à l’émission de Sophie Durocher diffusée chaque jour en direct 14 h 35 via QUB radio : 

Une chose m’a frappée : cette série écrite par un homme (Sylvain Guy), réalisée par un homme (Alexis Durand-Brault), montre, comme on le voit trop rarement à la télé, des hommes brisés, cassés, vulnérables, qui pleurent, qui parlent à leur psy ou qui admettent à leurs parents : « Je ne sais plus où me garrocher ». 

J’ai été particulièrement touchée en entendant un père qui dit à son fils pompier à quel point il est fier de lui ou en voyant un père (le formidable Luc Senay) qui crie au téléphone : « Est-ce que quelqu’un m’entend ? ». Ou encore deux frères qui se disent, d’un simple hochement de tête, à quel point ils s’aiment. 

C’est assez frappant de voir un homme hyper musclé, bâti comme une armoire à glace, qui a lui-même l’air assez dur à cuire et qui déclare : « Câlisse, c’est tough » en parlant de ce qu’il a vu dans la zone sinistrée de Lac-Mégantic.

Même l’abbé, un homme d’Église, est dans le doute, vulnérable, ébranlé dans sa foi. 

Ces hommes souffrant de syndrome post-traumatique, qui ont perdu leur femme, leur fille, leurs amis, n’ont rien de toxique... 

Mégantic montre aussi des hommes héroïques (le pompier qui réussit à ouvrir une vanne ; le gars de la construction qui prend son camion pour déplacer un wagon en flammes).

Merci Sylvain et Alexis d’avoir mis votre sensibilité masculine au service de personnages d’hommes complexes, à fleur de peau. Merci Sylvain d’avoir trouvé (comme vous l’aviez fait dans Confessions) des dialogues qui « sonnent vrai » : « J’ai trop de peine, ça fait trop mal tout le temps ». « Je suis pas capable de remonter, comment ils font les autres ? ».

LE BON MOMENT ?

La phrase qu’on entend le plus souvent dans Mégantic est : « Il faut donner le temps au temps ». Beaucoup de gens se sont demandé s’il était trop tôt pour faire une série sur cette tragédie. 

La réponse est dans la série : Mégantic va sensibiliser tous ceux qui la verront à la douleur atroce vécue par les proches. 

Il n’est jamais trop tôt pour partager la douleur des Méganticois.

Publicité
Publicité