Médecine privée: plus de 500 médecins de famille ont quitté la RAMQ
Le nombre d'omnipraticiens au privé a explosé dans les dernières années

Éric Yvan Lemay
Le nombre de médecins de famille qui exercent au privé a explosé au Québec. Pour la première fois, on compte plus de 500 omnipraticiens désaffiliés de la Régie de l’assurance maladie du Québec, soit quatre fois plus qu’il y a 15 ans.
En date du 19 janvier dernier, un total de 501 médecins avaient renoncé à prendre des patients du public. En 2009, ce nombre était de 123.
La pénurie de médecins de famille a favorisé l’expansion de ces cliniques où il faut payer pour avoir un rendez-vous. On en compte environ 80 surtout dans les régions de Montréal et de Québec.

En 2018, au moment de l’arrivée au pouvoir de la Coalition avenir Québec (CAQ), plus favorable à une place du privé en santé, on comptait 326 médecins désaffiliés, soit 175 de moins qu’aujourd’hui.
Certains patients dont le médecin part à la retraite n’ont d’autre choix que de se tourner vers ces services en attendant de ravoir un médecin au public.
«Oui, c’est sûr que nous autres on fait des suivis, on prend des patients. On est leur médecin de famille, donc c’est vraiment ce qui est intéressant pour le patient», dit Frantz Jean-Louis, directeur de la clinique privée Contact MD à Repentigny.
- Écoutez l'entrevue avec Éric-Yvan Lemay, journaliste au Journal de Montréal au micro d’Alexandre Dubé via QUB radio :
Jeunes médecins
Les dirigeants de la clinique qui a ouvert ses portes il y a quelques mois songent déjà à agrandir pour répondre à la demande.
Comme à plusieurs endroits, c’est un jeune médecin qui a récemment terminé ses études qui assure le suivi des patients. Dans certains cas, il s’agit d’une façon d’échapper aux règles mises en place par le gouvernement pour assurer la couverture en région ou dans les hôpitaux (voir autre texte).
Le prix au privé varie de quelques dizaines à quelques centaines de dollars pour une consultation en urgence.
«Les patients les plus malades n’ont souvent pas les moyens d’aller au privé», déplore la Dre Isabelle Leblanc, du regroupement Médecins québécois pour le régime public (MQRP).

Intervention réclamée
Selon elle, il faudrait que le gouvernement intervienne pour contrer le phénomène qui accentue la pénurie dans le réseau public.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, certains patients qui ont un médecin de famille vont quand même consulter au privé puisqu’ils n’arrivent pas à avoir un rendez-vous rapidement avec leur médecin.
«L’avantage du privé, c’est qu’on va traiter plus d’un problème par consultation, ce qui n’est pas le cas au sans rendez-vous», ajoute Frantz Jean-Louis.
Certains médecins qui se désaffilient vont opter pour des soins esthétiques ou des spécialités comme l’hormonothérapie.
Les médecins hors RAMQ représentent 4,9% de tous les omnipraticiens contre 1,4% en 2009. Au total, on compte 10 291 médecins admissibles à facturer la RAMQ contre 8488 il y a 15 ans.
– Avec la collaboration d’Yves Lévesque
Le public pas assez attrayant, dit la FMOQ
La Fédération des médecins omnipraticiens du Québec s’inquiète du fait que plusieurs médecins optent pour le privé et souhaite que le gouvernement rende le système public plus attractif.
«C’est sûr qu’il y a une préoccupation. C’est le reflet d’un manque d’attractivité et d’un manque de support des médecins en première ligne», dit le Dr Marc-André Amyot, président de la FMOQ qui parle d'une érosion vers le privé.

La Fédération milite pour que le gouvernement donne un coup de barre. Il invite aussi à s’inspirer de l’Ontario pour améliorer la première ligne.
Le problème le plus criant reste toutefois le manque de médecins. Depuis 2013, il indique que 535 postes n’ont pas été pourvus dans la profession.
«Le problème est partout au Québec. On a un ratio trop faible de médecins», dénonce-t-il.
Le Dr Amyot pointe aussi du doigt les activités médicales particulières (AMP) imposées aux médecins pour assurer des couvertures à l’urgence ou en CHSLD par exemple.
Publicités ciblées
L’autre irritant pour les jeunes médecins de famille est le Plan régional d’effectifs médicaux (PREM) qui les force parfois à s’exiler en région.
Il donne en exemple un médecin dont le conjoint travaille à Montréal et qui serait forcé de travailler loin de sa famille.
La Dre Isabelle Leblanc, qui enseigne à l’Université McGill, dit avoir vu plusieurs médecins résidents se laisser tenter par le privé dans les dernières années pour ces raisons.
Elle souligne aussi qu’ils font l’objet d’une sollicitation intensive des cliniques privées notamment avec des publicités ciblées sur Instagram.
Pour tenter de juguler la crise, elle indique que pour la première fois l’an dernier, la Journée carrière de la Fédération des médecins résidents du Québec n’était pas ouverte aux cliniques privées.
Vous avez des informations à nous communiquer à propos de cette histoire?
Écrivez-nous à l'adresse ou appelez-nous directement au 1 800-63SCOOP.