Maudit mythe de la mère parfaite
Les mères d’aujourd’hui sont devenues des contorsionnistes du Cirque du Soleil

Emmanuelle Latraverse
Le petit-déjeuner au lit, la carte de la maternelle, le bricolage qui donne les larmes aux yeux, c’est la sublime magie de la fête des Mères.
Mais c’est aussi la consécration de l’ultime camisole de force des mamans.
Être à la hauteur du mythe selon lequel les femmes modernes peuvent tout avoir. La super carrière, le mariage heureux, la maternité épanouie.
On a beau célébrer l’avancement des femmes, l’égalité à portée de main, les maris extraordinaires sans qui elles n’auraient pas de carrière, les femmes demeurent prisonnières. Prisonnières d’elles-mêmes, de leur devoir, de leur amour maternel.
- Écoutez la rencontre Latraverse-Dubé avec Emmanuelle Latraverse et Alexandre Dubé via QUB :
Maman!
Maman! Il n’y a pas de plus beau mot. La première fois qu’on l’entend, on a les larmes aux yeux.
Or, c’est devenu honteux de le dire, mais qui dit maman dit devoir, engagement inconditionnel.
Être mère, c’est viscéral. Et ça n’a rien à voir avec la génétique. Ma fille est née à l’autre bout du monde d’une femme que je porterai dans mon cœur toute ma vie.
Donc, il y a la mère monoparentale qui mange les restants de ses enfants.
Il y a la super jeune cadre qui jongle avec les appels conférences et les répétitions de ballet, telle une contorsionniste du Cirque du Soleil.
C’est sans compter la mère emmurée dans une perpétuelle culpabilisation entre ses aspirations professionnelles et les devoirs qu’impose son amour hors normes.
Et, bien sûr, l’avocate, qui sous ses airs sereins, travaille jusqu’aux petites heures de la nuit parce qu’elle préfère aller chercher junior à la garderie et lui donner le bain.
Et en 2024, qui dit maman dit logistique.
Je sais, les papas d’aujourd’hui font leur part, le lavage, la vaisselle, les lunchs, le taxi, comme nos pères ne l’ont jamais fait.
N’empêche, je ne connais aucune maman qui n’est pas un agenda électronique sur deux pattes. La natation le mardi à 17h, le ballet le mercredi à 16h, le rendez-vous chez le dentiste jeudi et le tuteur le samedi matin.
La date pour une place au camp de vacances et, et, et.
Et la police des écrans, surtout.

Le mythe
Les mères d’aujourd’hui sont épuisées.
Elles en rient, certes. Car elles ont au moins le bonheur d’avoir des collègues au boulot aussi engagées, anxieuses et objectivement heureuses qu’elles.
Vivement que nous sommes libérées du mythe de la femme-homme des années 80.
Les mères d’aujourd’hui ont surtout le bénéfice d’un monde du travail qui a enfin compris qu’à tuer les femmes professionnelles à petit feu, on finit par les décourager et se priver de leur talent.
Mais dans le cœur de chacune, il y a ce léger ressentiment.
Nous avons été élevées bercées par la promesse que «women can have it all», les femmes peuvent tout avoir.
Bel Ave Maria féministe! Sauf qu’il cultive une perpétuelle culpabilisation. Car inévitablement, on doit laisser tomber quelque chose.
Car si les femmes peuvent tout avoir, elles ne peuvent pas tout faire!
Au lieu d’entretenir ce séduisant mirage, chères mamans, offrons-nous le cadeau de nous en libérer!