À bientôt 60 ans, Maude Guérin est à l’aube d’un grand virage
Daniel Daignault
Maude Guérin peut se targuer d’avoir touché à plusieurs aspects du métier depuis ses débuts à titre de comédienne. On l’a vue sur scène, au cinéma, à la télé, et on l’a aussi entendue chanter. C'est une artiste complète, très appréciée du grand public pour sa façon remarquable d’interpréter des personnages, et dont la passion pour le jeu est née tandis qu’elle n'avait que 14 ans.
• À lire aussi: Pour la première fois, Maude Guérin parle de son histoire d'amour avec un comédien connu de 30 ans son aîné
• À lire aussi: À 56 ans, Pascale Bussières ne s'attendait pas à travailler autant
Le parcours de la comédienne s’est amorcé à La Tuque. «C’est drôle parce que, récemment, j’ai eu l’occasion de penser à mon parcours, quand j’ai été l’invitée d’honneur de l’exposition Des étoiles dans les yeux: Notre histoire culturelle, qui soulignait le parcours de gens qui ont réussi en art. Ils ont fait un genre d’exposition historique à partir des gens qui venaient de La Tuque et qui ont réussi à l’extérieur de la ville. Ça se passait dans la salle qui porte le nom de ma sœur, Carole Guérin, parce qu’elle a vraiment aidé à promouvoir la musique. Elle est musicienne et pianiste, et elle a longtemps enseigné la musique à La Tuque. Pendant des années, elle a fait d’immenses chorales avec des jeunes, et on lui a fait l’honneur de nommer une salle en son nom au Complexe Culturel Félix-Leclerc. André Mercier, un journaliste et animateur de l’endroit, m’interviewait, et ça m’a justement fait réfléchir à l'endroit d’où je viens. J’ai eu à raconter comment ça avait commencé, mon affaire, et j’ai réalisé à quel point j'étais partie de loin. Parfois, je pense à tout ce que j’ai fait pour réussir, à tous les efforts déployés, et je ne sais pas si j’aurais le même guts aujourd’hui.»
Une jeune fille déterminée
C’est à 14 ans que Maude a commencé à faire du théâtre à La Tuque. «C’est quelque chose, pour une jeune fille de cet âge, de se dire: “Je vais devenir actrice, je vais partir de La Tuque et je vais réussir dans ce métier!” Je suis fière de ça. Je pense d’ailleurs que ma plus grande fierté est d’avoir cru en moi, en mes rêves, et de ne pas avoir eu peur. En fait, ce n’est pas que je n’ai pas eu peur, mais j’ai réussi à contrer ça. Je suis fière d’avoir avancé là-dedans, malgré les doutes et la peur.» Si vous avez un certain âge, vous vous rappelez certainement des Beaux dimanches, présenté à Radio-Canada de 1966 à 2004. Ce rendez-vous hebdomadaire a été important pour Maude Guérin. «Je lisais du théâtre avant d’en voir sur scène. J’ai découvert ce que c’était grâce aux Beaux dimanches, où je voyais plein d’actrices et d’acteurs dans des pièces classiques. J’étais aussi fascinée par Les Grands Ballets canadiens, et j’ai d’ailleurs longtemps fait de la danse.
Mais mon amour pour le jeu est vraiment né quand j’ai commencé à faire du théâtre à la Polyvalente Félix-Leclerc. C’est là que j’ai commencé à jouer sur scène et que j’ai compris que j’étais dans mon habitat naturel. Je me faisais dire: “Ça n’a pas de bon sens, il faut que tu fasses ça dans la vie!” Mais réellement le faire et en vivre, c’est autre chose. C’est un métier qui demande de l’énergie. Il faut être déterminé, il faut vouloir...» Et avoir du talent, bien sûr, dans le métier que l’on décide d’embrasser! Mais ça, Maude n’en a jamais manqué. Tout au long de sa carrière, elle a su préserver sa place dans le cœur du public, entre autres grâce à sa bouille sympathique et aux nombreux personnages qu'elle a interprétés avec justesse. Et elle est très reconnaissante de cet amour qu’on lui porte. «Mon père me disait toujours: “Maude, le public qui est devant toi, c’est grâce à lui que tu es là. N’oublie jamais d’où tu viens.” Il ne voulait pas que je me prenne pour une autre. Mais honnêtement, je n’ai pas eu besoin de me forcer beaucoup, parce que j’aime le monde.»
Une étape importante
La comédienne, qui célébrera son 60e anniversaire de naissance en juin, avoue que cette étape est importante. «Pour moi, avoir 60 ans, ça représente un virage, et ce, dans toutes les sphères de ma vie. Ce qui est stable, c’est ma famille et mon chum (Christian Vézina). On est follement amoureux et ça va bien. Ça va faire 17 ans qu’on est ensemble. Mais avoir 60 ans, c’est sûr que ça change des choses. Je ne pense pas qu’il y a une actrice qui va te dire le contraire... Mais je n’ai pas peur de vieillir, car je trouve que c’est un privilège. Je pense à Émilie Dequenne, une actrice belge de 43 ans, qui est décédée en mars d’un cancer virulent... Donc, c’est tout un virage d’avoir cet âge, surtout que je viens de terminer une série qui a duré six ans. C’est inévitable: on vieillit tous, c’est la seule justice au monde!» ajoute-t-elle.
Quant aux rôles qu’elle pourrait être appelée à jouer au cours des prochaines années, la comédienne souhaite surtout avoir des offres diversifiées. «Je suis encore très passionnée par mon métier, et je souhaite qu’il y ait des personnages de 50, 60 ans et plus qui vivent autre chose que le fait d'être une mère, une grand-mère ou la “femme de”. C’est très important pour moi de défendre ça. Je trouve qu’il faut des rôles de femmes comme ça, des personnages qui ont de la viande autour de l’os, pour des actrices de notre âge. Il faut plus d’autrices et d’auteurs qui ont quelque chose à dire et qui écrivent sur des personnages de cet âge-là.»
Un changement de rythme
En attendant de connaître la suite, Maude coule des jours heureux dans sa nouvelle résidence, qui lui amène beaucoup de quiétude. «On vient de s’installer à la campagne. On a quitté la ville pour de bon. Ça faisait longtemps que je voulais faire ça, et j’aurais dû le faire avant parce que je suis franchement heureuse! Pour l’instant, j’ai un pied-à-terre en ville chez une amie qui a un superbe appartement. Si je venais à avoir un rôle, dans une quotidienne par exemple, c’est sûr que je me prendrais un appartement. Mais, pour l’instant, j’essaie de rester comme ça.»
Des rôles inoubliables...
La part des anges

«J’étais blonde platine dans La part des anges, et ç’a été dur pour mes petits cheveux fins de bébé! J’étais la blonde et l’amante; j’étais entre deux hommes, incarnés par Benoît Gouin et Vincent Graton. C’était l’fun à jouer! On était une gang d’acteurs extraordinaires, et Michel Dumont jouait un fantôme!»
Motel Hélène

«Mon rôle dans Motel Hélène a été le plus déterminant de ma vie. Je l’ai joué sur scène, puis à l’écran. Je jouais une poquée, et ça m’a permis de me faire connaître au théâtre. Il y a même du monde qui m’en parle encore! C’était un texte de Serge Boucher, qui, à partir de là, est devenu un grand ami, un complice au travail et dans la vie. Il est d’ailleurs le parrain de mon fils.»
Le collectionneur

«Le film Le collectionneur, réalisé par Jean Beaudin, a été ma première expérience au cinéma. Je suis fière de ce rôle parce que je l’ai décroché à la suite d'une audition, et je suis devenue Maud Graham, la détective créée par Chrystine Brouillet. Jean m’a appris à jouer à l’écran sans faire de grimace et sans trop en mettre au niveau de l’énergie. J’ai vraiment appris mon métier avec ce film-là.»
Providence

«Dans Providence, je travaillais dans une fromagerie et j’étais la maîtresse du personnage de Bernard Fortin. C’est l'un des premiers téléromans de Chantal Cadieux qui a marché très fort, et c’était la première fois que je jouais dans une série significative pour le public.»
Vice caché

«Vice caché, ç’a été un grand deuil, parce que la série n’a pas duré longtemps (18 épisodes), mais c’était très drôle. Je jouais la blonde du personnage de François Papineau. Je dirais que j’ai eu deux grands rocs dans ma vie, comme partenaires de jeu, soit Normand D’Amour et François, que j’ai retrouvé plusieurs années plus tard dans 5e rang.»
Belle-Baie

«Quel bonheur d’avoir fait Belle-Baie de 2006 à 2010! C’est drôle parce que j’avais passé l’audition, mais je ne voulais pas le rôle parce que je trouvais ça loin et compliqué d’aller tourner au Nouveau-Brunswick. Finalement, ç'a été l’un des plus beaux projets que j’ai faits! Le tournage était extraordinaire, c’était comme des vacances!» Avec Pascale Bussières, qui jouait sa grande amie dans la série.
Les Invincibles

«J’avais un tout petit rôle dans Les Invincibles, mais j’ai eu beaucoup de plaisir à travailler avec cette gang-là. J’étais un genre d’ancienne rockeuse. C’était un caméo, une courte apparition, comme lorsque j’ai joué la blonde de Claude Meunier dans Détect Inc.»
Toute la vérité

«J’avais une perruque pour mon personnage dans Toute la vérité; je ressemblais à un Playmobil! Je jouais énormément avec Éric Bruneau. Pierre Collin et Louison Danis interprétaient mes parents, et ma blonde était Salomé Corbo. C’était quelque chose, j’en conserve de beaux souvenirs!»
Grande Ourse: La clé des possibles

«Grande Ourse: La clé des possibles, c’était une magnifique expérience au cinéma! L’histoire était flyée, c’était réalisé par Patrick Sauvé. Je jouais une jeune libraire qui tombait en amour avec le personnage de Marc Messier. J’ai eu bien du fun avec lui!»
Belles-Sœurs

«On a joué Belles-Sœurs plus de 200 fois, et la plus belle expérience a été quand on l’a jouée à Paris durant un mois et demi. Toutes nos familles étaient venues nous voir. C’était comme un show rock, c’était merveilleux! Ç’a été l’une de mes plus grandes expériences au théâtre.» Ici lors d’une représentation spéciale avec l’OSM.
Le chant de Sainte-Carmen de la Main

«Le chant de Sainte-Carmen de la Main a été une expérience extraordinaire au TNM. J’ai été privilégiée; j’ai fait de belles comédies musicales mises en scène par René Richard Cyr, avec des textes de Daniel Bélanger, soit Belles-Sœurs, et celle-ci, avec mon beau Normand D’Amour.»
Mémoires vives

«J’ai tourné Mémoires vives durant cinq ans. J’avais un rôle plus important que dans Providence. Je jouais une coiffeuse, et mon chum était joué par Jeff Boudreault, que j’ai adoré. J’avais beaucoup de choses à jouer, c’était le fun. Encore une fois, c'était un texte de Chantal Cadieux.»
Feux

«Feux a été un projet marquant pour moi. C’était un grand rôle de composition, et le texte était de Serge Boucher. J'y jouais une femme un peu froide, tout en retenue, qui avait une relation cachée avec le garçon qu’elle gardait quand il était jeune. C’était un drame profond, où mon chum était joué par Daniel Brière.»
5e rang

«Marie-Luce, dans 5e rang, c’était le premier personnage pour lequel j'ai pu aller fouiller en moi. C’était le premier lead de ma carrière. Je voulais que Marie-Luce soit humaine, qu’elle aime son monde, qu’elle comprenne ses proches et ses enfants. Je l’imaginais vouloir aider et défendre corps et âme tous ceux qu’elle aime. Je suis allée dans l’humanité avec ce personnage-là.»
Chien de garde

«Chien de garde a été un film majeur. Ç’a été une rencontre extraordinaire avec Sophie Dupuis, de même qu’avec le magnifique Théodore Pellerin. Je jouais une mère alcoolique qui essayait de se dépêtrer dans cette famille-là, avec un fils pas évident qui souffrait de problèmes de santé mentale. J’ai reçu un Iris pour mon rôle dans ce film.»
Société distincte

«La série de genre Société distincte a été un grand succès sur illico+. J’y jouais un autre beau personnage. Antoine Pilon jouait mon fils, et on a ressenti une connexion très forte en jouant ensemble. J’étais son assistante pour essayer de savoir ce qui était arrivé à mon enfant disparu. Je pense que la série sera présentée à TVA à l’automne.»