Mark Carney ne va pas au Vatican en touriste


Luc Lavoie
Moins d’une semaine après son assermentation, Mark Carney a choisi d’occuper ce long week-end par une visite au Vatican, où il assistera à la première messe pontificale de Léon XIV.
Plusieurs s’étonnent que le plus petit État du monde attire autant d’attention. Songeons seulement que 184 États entretiennent des relations formelles avec le Saint-Siège et que le Vatican maintient un réseau de 120 ambassadeurs appelés «nonces apostoliques».
Ce minuscule pays souverain occupe une place unique au sein des institutions de l’ONU. Depuis 1964, il joue le rôle de membre observateur permanent de l’ONU, la seule organisation religieuse à jouir d’un tel statut. Les autres religions sont considérées comme des organisations non gouvernementales.
La diplomatie pontificale est considérée comme la plus ancienne du monde. Pourtant, il a fallu attendre jusqu’à 1969 avant que le Canada entame des relations diplomatiques formelles avec le Saint-Siège.
Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps? Vous ne serez pas surpris d’apprendre que cela s’explique par des débats internes typiquement canadiens. Les anglophones s’y opposaient au nom, tenez-vous bien, de la laïcité de l’État. Derrière ce prétexte cousu de fil blanc se cachait l’existence d’une mouvance anticatholique, appelée aussi antipapiste, laquelle témoignait du fort sentiment anti-francophone des orangistes canadiens, l’un des plus bruyants opposants à l’ouverture de ces relations diplomatiques.
Moments clés de l’histoire contemporaine
Pour le meilleur et pour le pire, l’appareil diplomatique du Saint-Siège a été au cœur de quelques-uns des moments clés de l’histoire contemporaine. Le pire a trait au pontificat de Pie XII, ce germanophile qui a occupé le poste de nonce apostolique à Berlin dans les années précédant la Seconde Guerre mondiale. Homme brillant et raffiné, Pie XII a choisi de regarder ailleurs pendant que le nazisme et l’antisémitisme s’installaient en Europe.

Quant au meilleur, l’Histoire retiendra que Sa Sainteté Jean-Paul II, premier pape non italien depuis le 17e siècle, est largement responsable de l’effondrement de l’empire soviétique. Elle retiendra aussi le rôle fondamental de médiateur joué par le pape François dans la fin des hostilités entre le gouvernement légitime de la Colombie et les Forces armées révolutionnaires de Colombie.
C’est aussi le pape et ses représentants qui ont agi en tant que médiateurs dans l’ouverture de relations diplomatiques entre Cuba et les États-Unis sous la présidence de Barack Obama.
Léon XIV est le quatrième non-Italien d’affilée à occuper le trône de saint Pierre. Mais, plus encore, il est américain. Animé de la même modestie que son prédécesseur, Léon XIV est l’antithèse d’un autre Américain, le président Donald Trump. Les milliers de migrants qui sont présentement expulsés sans ménagement par l’administration Trump sont, pour la très vaste majorité d’entre eux, des catholiques. Tôt ou tard, le pape interviendra dans ce débat et pourrait motiver les catholiques qui ont voté pour Trump à revoir leur position.
La visite au Vatican du premier ministre Carney n’a rien à voir avec le tourisme et tout à voir avec la redéfinition de la réalité géopolitique.