Mark Carney face à Donald Trump: le chef libéral devra avoir l’appui de ses adversaires politiques


Laurent Lavoie
En tant que chef d’un gouvernement minoritaire, le premier ministre Mark Carney sera forcé d’avoir l’appui de ses adversaires politiques pour affronter le président américain Donald Trump, estime un expert.
«Carney peut plus difficilement faire des concessions pour acheter la paix, explique Stéphane Roussel, professeur à l’École nationale d’administration publique. Je vois ça comme quelque chose de positif pour la société canadienne et québécoise.»
Au lendemain de la victoire libérale, «le président Trump a félicité le premier ministre Carney pour sa récente élection», a indiqué Ottawa dans un communiqué.
«Les dirigeants ont convenu de l’importance pour le Canada et les États-Unis de travailler ensemble, en tant que nations indépendantes et souveraines, en vue d’améliorer la situation des deux pays», a-t-on ajouté.
Une rencontre entre les deux chefs d’État doit avoir lieu «dans un avenir proche».

Cela devrait marquer un autre chapitre de la relation entre les deux pays. Elle a été entachée dans les derniers mois par le désir avoué de Trump d’annexer le Canada et le déclenchement d’une guerre commerciale avec des tarifs douaniers.
Lundi, en plein jour de scrutin, il s’est permis d’encourager les Canadiens à voter pour lui, si le pays devenait le 51e État.
Forcé de négocier
En gardant cette approche, le dirigeant américain pourrait continuer d’alimenter le sentiment d’unité chez les Canadiens.
Auparavant, il semblait afficher une certaine «hostilité» envers Justin Trudeau, qui «avait un visage plus progressiste», souligne Christophe Cloutier-Roy, directeur adjoint de l'Observatoire sur les États-Unis.
«C’est le pendant inverse au mouvement MAGA. Carney l’incarne un peu moins. Peut-être que ça peut aider, mais encore, avec Trump, c’est difficile de savoir quel genre de relation il va vouloir», ajoute-t-il.
Sans ses nombreuses déclarations fracassantes, le président «aurait pu compter sur un certain appui de [Pierre] Poilievre ou d’autres conservateurs et forcer la main au gouvernement libéral, mais ce n’est pas le cas», mentionne de son côté Stéphane Roussel, spécialisé en politique étrangère et de défense du Canada.

Quant à Carney, il est parvenu à porter au pouvoir un total de 169 députés, ce qui est insuffisant pour être majoritaire à la Chambre des communes.
Cela donne toutefois un argument patriotique plutôt que partisan au premier ministre pour recueillir des appuis pour affronter la «trahison» américaine.
«Ça veut dire que [les libéraux] devront négocier soit avec le Bloc Québécois ou (...) ce qu’il reste du NPD, mentionne M. Roussel. Leur marge de manœuvre est plus faible.»

Épine dans le pied
Le premier ministre canadien risque également de devoir naviguer avec des élus conservateurs frustrés par une quatrième défaite de suite.
Son homologue provinciale de l’Alberta, Danielle Smith, a d’ailleurs fait part de sa déception sur le réseau social X.
I congratulate Prime Minister @MarkJCarney on his minority government election victory last night.
— Danielle Smith (@ABDanielleSmith) April 29, 2025
I also want to sincerely thank @PierrePoilievre for his powerful and principled advocacy against the last decade’s punitive taxation and anti-resource policies that have made our… pic.twitter.com/1bpm3BcOE7
«Alors que les libéraux et les néo-démocrates ont dénigré et diabolisé les Albertains, nos valeurs et nos industries à des fins politiques, M. Poilievre a renforcé les Albertains et a fait de notre secteur énergétique la pierre angulaire de sa campagne», a-t-elle écrit.
«Si elle se pose en alliée de Trump et qu’elle se met à faire des pressions pour qu’on fasse des concessions à Trump, [...], là elle peut devenir un trouble-fête sérieux», indique Stéphane Roussel.
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