Mark Carney, au sommet et si fragile à la fois
Pendant combien de temps la popularité du gouvernement Carney résistera-t-elle à la médecine Trump?


Emmanuelle Latraverse
Son élection relevait déjà du miracle politique. Depuis qu’il a pris les commandes de l’État, Mark Carney a réussi l’improbable.
En quelques semaines, il a imposé un programme économique autrefois controversé qui fait aujourd’hui consensus.
On pourra remercier Donald Trump d’avoir tétanisé à ce point le pays pour que tout le monde retrouve le sens du devoir et laisse les délires partisans de côté.
Mais Mark Carney y est arrivé en convainquant l’électorat qui LUI saurait amadouer le président américain. Plus les semaines passent, plus le doute s’installe.
Plus que des menaces
On a toujours tendance à voir les coups de gueule tarifaires de Donald Trump comme une tactique de négociation. Avance, recule. Le quolibet de «TACO», «Trump Always Chicken Out», qu’on traduirait par «Trump se dégonfle toujours», s’est imposé dans l’imaginaire collectif.
Mais, dans les faits, il ne s’est pas encore dégonflé. Au contraire, il fait monter les enchères.
Le Canada a toujours tenu pour acquis qu’il serait possible de le convaincre qu’un pacte «gagnant-gagnant» est possible. Mais il est clair que le président n’en veut pas, sinon une entente aurait déjà été signée.
Trump veut réécrire les règles du jeu à l’échelle mondiale, peu importe le coût.
Mark Carney l’a compris, c’est la raison derrière les vastes chantiers lancés pour libérer le Canada de l’emprise américaine.
Mais ça prendra du temps. Et en attendant, de l’aluminium, à l’acier, en passant par le cuivre et une surenchère de tarifs dès le 1er août, le risque qui plane sur l’économie canadienne n’a fait que croître depuis l’élection de Mark Carney.
La vraie vie
Le jeu d’équilibriste auquel est soumis le nouveau gouvernement ne pourrait être plus périlleux.
L’électorat a acheté le principe selon lequel Mark Carney saurait amadouer le président. C’est LA raison pour laquelle il a les coudées franches.
Mais la priorité absolue des électeurs est ailleurs. Selon un récent sondage Abacus, pour plus des deux tiers des gens, ce sont la baisse du coût de la vie et l’accès au logement qui leur importent le plus.
Or sur ces enjeux, seuls 32% et 30% de l’électorat voient des progrès suffisants en ce début de mandat. Et ce n’est pas une baisse d’impôt qui fait économiser 5,84$ par semaine à un couple qui va vraiment résoudre le problème.
Comme quoi vendre une vision économique est une chose, résoudre la crise du logement et du coût de la vie en est une autre.
Et il est là tout le défi du gouvernement Carney. Résoudre ces problèmes structurels prendra du temps.
Il misait sur une entente rapide avec les États-Unis pour dissiper l’incertitude économique, lancer un programme de croissance et maintenir l’appui du public.
Or, les signaux de la Maison-Blanche sont sans équivoque. Trump voulait casser le Canada. On est en droit de se demander si dans sa logique, la première étape n’est pas de casser la popularité du gouvernement Carney.