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Culture

Santé, projets et deuils: Mario Pelchat fait le point

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Michèle Lemieux

2025-10-09T10:00:00Z
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La dernière année a été ponctuée de deuils pour Mario Pelchat. Avec Claire, son épouse, il prenait soin de sa belle-maman, qui est décédée cet été. Quelques mois plus tôt, il perdait son papa, disparu subitement. Parce que chaque étape de vie amène son lot de réflexions, le chanteur se questionne sur la suite des choses, notamment quant à son vignoble, qui exige énormément de temps et d’attention. Au moment de nous présenter Duos de mes 60 ans, Mario dresse le bilan des derniers mois.

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Mario, vous vous êtes gâté avec un projet exceptionnel: Duos de mes 60 ans...

Après avoir fait plusieurs albums, j’avais le sentiment d'avoir fait le tour. Je voulais quelque chose de différent. J’ai toujours aimé les collaborations. J’ai toujours carburé au talent des autres. J’avais envie d’un album de duos, de chansons originales, et non pas d'inviter les artistes à venir chanter mes chansons. Je les ai assez chantées. Je voulais créer quelque chose de neuf avec des voix que j’aime et qu'on se mette au service des chansons.

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Comment l’idée est-elle née?

Quand Rick Allison m’a proposé Quand il s'en va, j’entendais un duo. J’ai pensé à Anggun que j’avais vue durant l'été à la Superfranco Fête à Québec. Je lui avais dit à quel point j'aimais sa voix. Elle m’avait répondu que venant de Mario Pelchat, c’était un compliment. Ça m’a touché... Elle est venue sur le plateau de La Voix avec moi, et c’est ce qui a donné le coup d’envoi à l’album. Je vais avoir 62 ans. Je pense que toute cette maturité et ce bagage d'expérience se reflètent sur l’album, dans les chansons. La maturité et le vécu prennent tout leur sens. On ne chante pas de la même manière. On a moins besoin de se prouver ou de prouver à qui que ce soit qu'on a de la voix.

Vous vous êtes trouvé de magnifiques collaborateurs pour vos duos!

C'est fou. Il y a Ginette Reno, Daniel Lavoie, Chimène Badi, Garou, Lynda Lemay, Isabelle Boulay, Patrick Bruel, Anggun, Anne Sila, PETITOM, Slimane, Bruno Pelletier et même Maurane. Je voulais qu'il y ait un mélange de chanteurs français et québécois parce que mes influences, c'est la chanson française. Tous ont accepté. J’aurais pu chanter ces chansons en solo, mais c’était génial de pouvoir chanter avec tous ces artistes. Rick Allison, je le connaissais depuis longtemps, mais c'était la première fois qu'on collaborait, en studio. Il a réalisé l’album, fait les orchestrations et écrit une grande partie des pièces sur l'album. J’ai aimé sa manière de travailler. Il a été d’une grande bienveillance. J'ai éprouvé beaucoup de problèmes d'anxiété, j’ai eu des problèmes de respiration. Parfois, j'arrivais en studio et j'avais peur. Je pensais que je n’y arriverais pas. Il me disait: «Mario, on va avancer phrase par phrase, s’il le faut.» Et ça se passait toujours bien. Il prenait le temps, me mettait en confiance. Ça a été une grande découverte pour moi. Rick, c'est un grand.

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J’aimerais que vous nous parliez d'une chanson que vous interprétez avec Lynda Lemay. C’est un texte très audacieux.

Elle raconte l'histoire d'un homme qui s'est senti femme toute sa vie. Ce n’est pas mon histoire, cela va de soi. Je trouve que Lynda a un don exceptionnel pour se mettre dans la peau des gens. C’est une histoire qu'elle n'a jamais vécue. Me mettre au service de cette chanson, c’était comme endosser un rôle. Je suis content du résultat. Lorsque j’ai fait le spectacle de Noël Parapapam en 2023, j’ai rencontré Sylvain Goldberg, qui est Belge et qui avait écrit certains arrangements de cordes du concert. Il est venu dans ma loge après la première représentation et nous avons sympathisé. Puis il me parle de Maurane et d’une chanson qu’ils ont écrit ensemble quelques années avant le départ de Maurane, qui était une amie avec avec qui j’avais fait un duo par le passé. Il me fait écouter la chanson, et j’ai été extrêmement ému, un texte qu’elle a écrit en hommage à ceux qui nous ont pavé la voie (elle pensait à Brel et Nougaro entre autres). Je me suis dit: «il faut en faire un duo». Mais c’était compliqué, car Sylvain n’avait plus la bande originale, seulement un enregistrement piano voix. Rick a réussi à isoler la voix de Maurane, refait un arrangement, Sylvain a écrit et enregistré les cordes en Belgique, nous avons fait un découpage de la chanson puisqu’elle la chantait en entier, j’ai ajouté une harmonie dans les refrains et le résultat est troublant, au moment où on sort l’album, elle fait elle-même partie des grands disparus. Nous avons bien évidemment obtenu l’accord de sa fille Lou, elle était touchée, on la croirait encore là au milieu de nous...

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Julien Faugere / TVA Publications
Julien Faugere / TVA Publications

Vous avez combien d'années de carrière, Mario?

J'entre dans ma 45e année sur disque. Lorsque j’ai fait mon premier album, j'avais 17 ans. J’en suis à une vingtaine d’albums.

C’est tout un parcours!

Ça commence à être du vécu, mais ça commence aussi à être fastidieux, ce métier. J'ai un vignoble, en plus. C’est beaucoup de boulot, en plus des spectacles. Cet été, j'en ai fait 31 au vignoble, plus une vingtaine de supplémentaires de Pelchat Aznavour au printemps. À un moment donné, le corps finit par me dire que je dois prendre du repos, du temps pour moi et me reposer. Nous sommes fatigués, Claire et moi. Nous avons travaillé beaucoup ces dernières années. Nous avons fini par nous essouffler un peu. Nous avons hâte en janvier prochain pour prendre du temps pour nous. Quand les vignes dorment, nous pouvons nous reposer un peu.

Comptez-vous prendre un peu de recul?

Ce sont des vacances différentes, en ce sens que pour la première fois depuis longtemps, plus personne ne nous attendra à la maison. La maman de Claire vivait avec nous. Elle est décédée cet été. Les sœurs de Claire prenaient le relais lorsque nous partions. Nous avons essayé de la garder le plus longtemps possible dans ses affaires. Pour nous, c'était comme la présence d'un enfant. C’était une grosse responsabilité, mais ce n'était pas lourd. Nous le faisions avec amour. Nous étions heureux d’avoir Elizabeth avec nous. C’était un rayon de soleil, cette dame-là; une femme aimante, lumineuse, qui ne s’ingérait jamais dans nos vies. Elle était drôle et attachante.

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Son départ a dû créer un vide...

Oui, pour Claire et pour moi. J'ai perdu mes parents, moi aussi. Nous n’avons plus de parents. Nous sommes tous les deux orphelins. Et nous n’avons pas d'enfants non plus. J'aurais aimé faire la même chose pour mes parents, mais ils vivaient loin. Mon frère Éric, qui vit encore à Dolbeau, a eu le privilège de passer plus de temps avec mes parents à la fin de leur vie. J'ai eu un peu plus de temps avec maman, parce que lorsqu’elle est entrée aux soins palliatifs, je suis allé à son chevet et j’y suis resté pendant presque un mois. Nous avons eu du temps pour échanger.

Et pour votre père?

Ç'a été soudain. Éric a vécu beaucoup de beaux moments avec lui. Je suis content pour lui, parce que ça lui fait plein de souvenirs, qu'il partage avec nous encore aujourd'hui. J'ai mis du temps à faire le deuil de mon père...

Depuis quand est-il parti?

Le 11 décembre prochain, ça va faire un an que mon père est décédé. Récemment, ça m'a frappé comme un coup de poing. J'ai tellement pleuré... C'est comme si je n'avais pas réalisé son départ, ou pleuré ma peine. Une chanson de James Blunt a été le déclencheur: Monsters. Elle dit que c'est à lui de chasser les monstres depuis que son père n’est plus. Je ne peux pas en parler, car je vais encore pleurer...

On dit qu’il faut une année complète pour traverser un deuil.

Mon père était un homme qui a été élevé un peu à la dure. Je suis le plus vieux chez nous. Je n'ai pas échappé à sa méthode parfois un peu rigide. Ça a été moins pire pour les autres enfants. Il y a quelques années, j’ai eu l’occasion de régler ça avec lui. Il m'a demandé pardon. Son attitude et notre relation ont beaucoup changé à la suite de cela. Je ne pense plus qu’à nos bons moments, à ses bons coups, à ses qualités. Et il en avait tellement! C’était quelqu’un de généreux, de travaillant. Il nous a enseigné l’honnêteté, le respect.

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En vieillissant, il faut faire la paix avec ce que nos parents ont été?

Tout à fait! Il faut être en paix. Je retiens qu’à la fin de sa vie, papa était un petit enfant de 86 ans. Avec maman, c'était pareil. Ma belle-mère aussi. Ils deviennent sensibles à l'extrême, dépendants de nous, comme un petit enfant. Le corps s’est flétri, mais à l'intérieur, ils redeviennent le petit enfant qu'ils ont été. Alors ça sert à ça, vieillir. Il n’y a pas que les mauvais côtés, qui sont nombreux. (sourire) La beauté, dans le fait de vieillir, c’est de pouvoir s’arrêter, de prendre du temps pour soi.

Vous qui avez tellement travaillé dans votre vie, arrivez-vous à apprivoiser ce rythme?

Oui, je suis capable de le faire. C'est sûr que la première semaine, le hamster tourne encore, mais il finit par s'apaiser. Je suis capable de décrocher totalement.

Claire vous aide-t-elle à le faire?

Elle aussi, elle a du mal à s’arrêter complètement. C'est aussi une travailleuse. C'est une abeille. Elle est toujours dans la création.

À l’aube de vos 62 ans, comment entrevoyez-vous la suite des choses?

C'est difficile à dire. Pour la première fois de ma vie, je ne sais pas ce qui m’attend. J'ai toujours eu des projets à long terme. Le vignoble, c'est une belle aventure, mais avec toute l'opposition qu'on a connue récemment... ça gruge. Parfois, je me demande si j'ai le goût de continuer. Nous sommes en réflexion. Nous avons toujours su qu'un jour, nous allons devoir passer la main parce que nous n’avons pas de relève. Nous n’avons pas d'enfants, à moins d'avoir un neveu qui serait intéressé.

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Il se serait déjà manifesté, non?

(Rires) C'est ce que j'allais dire. Il me semble qu'il aurait levé la main. C'est quand même un gros bateau à mener. C'est beaucoup de boulot. Nous nous sommes préparés mentalement à passer la main. Un jour, nous allons devoir laisser aller. Est-ce que nous allons devancer ce jour-là? Nous ne le savons pas. Pour le moment, nous continuons. Nous allons prendre l'hiver pour réfléchir. Peut-être allons-nous faire des changements. Nous avons besoin d’aide. Quelqu'un pourrait prendre une partie de l'administration, de la gérance. Ça nous enlèverait un poids sur les épaules. Nous avons une bonne équipe, des gens de confiance. Nous sommes chanceux. Le champ, la vigne, la culture, la plante en elle-même, c'est vivifiant. Mais tout ce qui est paperasse et administration, ça tue.

Diriez-vous que vous avez été plutôt workaholic tout au long de votre carrière?

Je n'aurais jamais pensé que je l’étais, mais c’est le cas. Je suis étonné parce que lorsque j'étais jeune, je dormais jusqu'à midi. Mon père me trouvait fainéant. Je chantais dans les bars jusqu'à trois heures du matin, j'allais manger et je me couchais à quatre. C'est sûr qu'à midi, j'étais encore couché. Je culpabilisais. Je pensais que j’étais un bohème, un saltimbanque. C’est Eddy Marny qui, un jour, m’a dit: «Ne culpabilisez pas. Votre père, son métier, c’était dans la construction. Vous, vous êtes un chanteur, et vous avez besoin de dormir pour être en forme le soir, par respect pour votre public.» À partir de ce moment, j'ai arrêté de m'en faire! Sauf que lorsque je n’ai pas de spectacle, je me lève à l’heure des agriculteurs, car c’est aussi ce que je suis devenu avec les années, ça ferait plaisir à papa!

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