Mariés, mais séparés par 7000 kilomètres
Un couple russo-québécois n’arrive pas à se réunir

Camille Payant
Un couple russo-québécois désespéré se trouve dans l’impossibilité de se réunir à Moscou ou à Montréal en raison de la guerre en Ukraine et des règles sanitaires en vigueur.
• À lire aussi: Six films sur la guerre froide pour mieux comprendre les origines de la menace russe
• À lire aussi: [VIDÉO CHOQUANTE] Des civils ukrainiens mitraillés par un char d’assaut russe
« On n’a pas peur des missiles, on n’a pas peur d’une guerre froide, on n’a pas peur des bombes atomiques. On a surtout peur d’être bloqués ici et de ne pas pouvoir partir ailleurs », raconte Maria Skorkina Benoit, jointe la semaine dernière à Moscou.
À 7000 km de sa femme, Alexandre Benoit se sent impuissant.
« Je ne peux plus envoyer d’argent à ma femme [à cause des sanctions]. Si les ambassades sont fermées, elle aura de la difficulté à se sauver », s’inquiète-t-il.
Plans chamboulés
Le plan initial du couple – ils sont tous les deux âgés de 34 ans – était de vivre une année à Moscou, soit la durée maximale d’un visa russe, une fois qu’Alexandre Benoit aurait obtenu son diplôme de professeur de français.
« Un mois plus tard, la guerre a commencé », se désole Maria Skorkina Benoit.
Il n’est plus question pour elle de laisser son conjoint venir la rejoindre. Son mari, qui ne parle pas russe, « ne pourrait pas survivre » dans ces conditions, selon elle.
« Ça fait des années que je lui disais qu’il fallait qu’on soit ensemble le plus vite possible. Il se pourrait que le rideau de fer retombe. Mais étant né au Canada, il ne s’en rendait vraiment pas compte », affirme la linguiste et professeure de français dans une école privée de Moscou.
Le couple s’est connu sur internet en 2017, après que Maria Skorkina Benoit a trouvé dans ses pourriels un message d’Alexandre Benoit envoyé lors d’un voyage en Russie trois ans auparavant.
L’option de se réunir au Québec n’est pas plus envisageable pour le couple qui s’est marié à Montréal en 2019.
Le Canada n’autorise l’entrée sur son territoire qu’aux gens ayant été immunisés avec un vaccin homologué par l’Organisation mondiale de la Santé. Or, le vaccin Spoutnik, reçu par Maria Skorkina Benoit, n’est pas reconnu par l’OMS. Et il est le seul disponible en Russie.
« Si je n’ai pas cette possibilité en Russie, comment veulent-ils que je me fasse vacciner ? » se consterne-t-elle.
Mme Skorkina Benoit devait aller prochainement en Croatie recevoir un vaccin reconnu par le Canada. Mais en raison de la guerre en Ukraine, le vol a été annulé.
« Si je vous parle, c’est que je veux montrer la situation du point de vue d’une simple famille qui ne veut rien savoir de la guerre. On veut juste être ensemble. Mais on se bat comme à la guerre pour être ensemble », soupire-t-elle.