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L'article provient de Le Journal de Montréal

Comment une médecin qui s’est retrouvée en prison est devenue femme de ménage

Marie-Ève Lacasse a fait une visite éclair au Québec pour présenter son nouveau roman et rendre visite à sa famille.
Marie-Ève Lacasse a fait une visite éclair au Québec pour présenter son nouveau roman et rendre visite à sa famille. Pierre-Paul Poulin / Le Journal de Montréal
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Photo portrait de Marie-France Bornais

Marie-France Bornais

2025-06-22T10:00:00Z
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Marie-Ève Lacasse a quitté le Québec au début des années 2000 pour s’installer en France. Aujourd’hui auteure de plusieurs romans très remarqués et journaliste au quotidien Libération, elle parle de la place des femmes de ménage et des employés de maison dans un nouveau roman très prenant, La vie des gens libres. Elle y raconte la réinsertion sociale d’une médecin qui s’est retrouvée en prison après une faute professionnelle et qui décide de changer de vie complètement: elle devient femme de ménage.

Le nouveau roman de l'écrivaine et journaliste Marie-Ève Lacasse est publié aux Éditions du Seuil, en France.
Le nouveau roman de l'écrivaine et journaliste Marie-Ève Lacasse est publié aux Éditions du Seuil, en France. © Éditions du Seuil

Spécialiste de l’aide médicale à la procréation, la Dre Clémence Robert a commis, au début de la quarantaine, une faute professionnelle grave. Elle a proposé à des patientes volontaires de contourner la loi pour faciliter l’accès à la procréation médicalement assistée. Malchance: sa faute est découverte.

Après trois années passées derrière les barreaux, Clémence retrouve sa liberté. Elle n’a plus de logement, plus d’argent, plus de statut social, plus de statut professionnel. Elle n’a plus le droit d’exercer la médecine et a évidemment perdu l’estime de ses collègues. Ses amis se sont évaporés.

Clémence décide de quitter Bordeaux et d’entrer au service de Laura Rolin comme femme de ménage. Cette femme autoritaire, obsédée par la minceur et la danse classique, est aussi une mère célibataire qui décide de s’accorder du luxe en embauchant une employée de maison pour alléger ses tâches.

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Classes sociales

Marie-Ève Lacasse s’est inspirée de sa propre expérience de gardienne d’enfants lorsqu’elle est arrivée à Paris, et de notes prises à l’époque pour plonger droit dans cet univers. Et du fait, dans celui des injustices, des inégalités sociales et de l’absence de reconnaissance.

«Dans les années qui ont précédé l’écriture de ce livre, je suis allée beaucoup au cinéma, chose que je faisais assez rarement. J’ai remarqué, dans les scénarios: quand le personnage principal [chute], les scénaristes vont s’arranger pour qu’il remonte la pente, comme si, en fait, c’était la seule façon de retrouver la liberté, la rédemption. Dans un scénario américain, le personnage de Clémence aurait retrouvé un métier qui lui aurait permis de retrouver son milieu social d’origine.»

Une «dégringolade heureuse»

«Je me suis dit que ce serait intéressant d’imaginer une dégringolade heureuse où, plutôt que de chercher à ce qu’elle reprenne un ascenseur vers le haut de la pyramide, au contraire, elle s’épanouisse d’un point de vue horizontal, en découvrant une classe sociale qui n’est pas la sienne. Évidemment, c’est très souffrant. Pour elle, c’est subi et douloureux.»

«Par contre, ce qu’elle va découvrir à la fin du livre, c’est qu’elle va trouver en elle des capacités d’agir pour trouver du bonheur au sein de cette nouvelle classe sociale: l’autogestion, la coopération, le syndicalisme, la lutte politique.»

«Finalement, toutes ces découvertes vont lui apporter beaucoup plus de joie que les injonctions liées à sa classe d’origine qui sont plus classiques, plus contraignantes et parfois, plus hypocrites aussi.»

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De vieux carnets utiles

Marie-Ève Lacasse s’est servie des notes prises lorsqu’en arrivant en France elle avait travaillé comme gardienne d’enfants pour des gens très fortunés. «J’avais remarqué tout un ensemble de comportements à mon égard qui étaient assez discutables, voire cavaliers.»

«Par exemple, les gens oubliaient mon nom, oubliaient de me payer, ou bien ils étaient assez condescendants avec moi. Ou alors ils étaient complètement déconnectés de la vie familiale ou très incompétents par rapport à la gestion de la vie quotidienne.»

Marie-Ève Lacasse avait envie de parler de ce sentiment de déclassement, des employés de maison et de toutes les personnes qui occupent des métiers de services. «Je me suis replongée dans mes vieux carnets et je me suis dit: c’est bon, il y a toute la matière!»

La vie des gens libres

Marie-Ève Lacasse

Éditions du Seuil

288 pages

  • Marie-Ève Lacasse est née au Québec en 1982.
  • Elle vit et travaille en France depuis 2003.
  • Elle est journaliste au quotidien Libération.
  • Elle a publié, entre autres, Peggy dans les phares (Flammarion, 2017), Autobiographie de l’étranger (Flammarion, 2020) et Les Manquants (Seuil, 2023).
«– Je pense qu’il vaudrait mieux que je déménage loin de Bordeaux. Que je me fasse oublier.
Arnaud l’écoute, stupéfait. Comment lui dire que c’est de toute façon ce qui l’attend, car elle n’a officiellement plus de logement et plus d’argent, et qu’il ne peut plus rien faire pour elle? Le soleil rougeoyant entre dans la pièce, qui se teinte d’une couleur inquiétante. Arnaud hésite à allumer une lampe, de peur que sa sœur ne lise trop clairement sur son visage.»
– Marie-Ève Lacasse, La vie des gens libres, Éditions du Seuil.

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