Manger au restaurant devient un luxe hors de prix pour les Québécois
Les sorties au restaurant coûtent près de 9% de plus qu'il y a un an
Francis Halin et Martin Jolicoeur
Une assiette d'œufs bénédictine à 22$, un trio Big Mac à 12,87$, un pad thaï à 14$... manger au restaurant est devenu un luxe de moins en moins accessible pour de nombreux Québécois, qui ont vu le prix de leur assiette bondir de près de 9% en l’espace d’à peine un an.

Il y a six mois, Le Journal calculait que le petit déjeuner n’a jamais coûté aussi cher en raison du prix de tous les aliments classiques du matin qui a fait bondir le coût de l’assiette de plus de 20% en 12 mois, mais les sorties au restaurant ne sont pas épargnées non plus par l'inflation, qui grève le budget.
«Ça a coûté 19,49$ avec le pourboire, c’était 22$ pour une assiette d’œufs bénédictine. On vient ici en plus, car c’est moins cher qu’ailleurs», confie Philippe Barrett-Turner, 24 ans, à la sortie d’un restaurant déjeuner de la Rive-Sud de Montréal, mardi.
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«C’est sûr qu’à 15,25$ l’heure [le salaire minimum au Québec], ça va être plus difficile d’aller au restaurant», ajoute le superviseur dans une firme de sécurité, qui a une pensée pour ceux qui gagnent moins que lui.
À deux pas, son conjoint, originaire de France, Dimitri Mitrovic, 26 ans, designer graphique, fréquente aussi moins les restaurants parce que tout a augmenté.
«Ça m’a coûté 28,90$ pour deux personnes. Avec le pourboire 33,23$. On avait une crêpe bananes-choco et un bénédictine», partage-t-il.
«On revient de France. On a mangé des sushis à volonté pour 20 euros [29$], alors qu’ici, au Dix30, ça me coûte facilement 42$ ou 45$», poursuit Philippe, qui revient d'un voyage dans l'Hexagone avec son amoureux.
Une sortie rendue «spéciale»
Dans un tel contexte, plusieurs préfèrent cuisiner à la maison. «Lorsqu’on va au restaurant, c’est parce que c’est spécial», résume Stéphanie, une résidente du quartier Villeray à Montréal, attablée dans un restaurant en compagnie de son fils, Albert, six ans.
Non loin du marché Jean-Talon, à Montréal, Le Journal s'est entretenu avec un groupe de jeunes filles au sortir d’un restaurant McDonald.
«On voit les prix de la nourriture augmenter partout, dans les marchés comme dans les restaurants. Dans les fastfoods, un lieu où on ne s’attend pas normalement à payer cher, je trouve ça vraiment dommage, en particulier pour les gens aux moyens plus limités», constate Diana, 19 ans.
Une de ses compagnes, Sogand, 18 ans, en rajoute en disant que deux hamburgers et desserts glacés lui ont coûté (avec taxes) près de 25$ la semaine dernière.
«Mais il n’y a pas que les prix qui augmentent, observe-t-elle. On voit aussi de plus en plus de restaurants réduire la qualité et la quantité des aliments qu'ils nous servent. En général, les sandwichs sont plus petits. Les beignets aussi. C’est partout comme ça», avance-t-elle.
Près de 9% plus cher
Mardi, des données de Statistique Canada montraient que les prix des aliments achetés au restaurant ont bondi de 8,7% de mai 2022 à mai 2023, comparativement à 6,8% pour l'ensemble du Canada.
«À ce jour, encore 51% des restaurants arrivent à peine à joindre les deux bouts ou perdent de l’argent tous les jours», rappelle Olivier Bourbeau, vice-président, Affaires fédérales et Québec, de Restaurants Canada, interrogé par Le Journal sur les causes de cette augmentation.

Services publics (6%), bœuf (9%), fruits de mer (11%), poulet (13%), huile de cuisson (40%), coût du travail (7%)... de nombreux facteurs peuvent expliquer les nombreuses hausses du prix des menus, selon Restaurants Canada.

«Les restaurateurs tentent tant bien que mal d’en absorber une partie, mais avec des marges bénéficiaires aussi basses que 2-3%, et opérant désormais à 80% de capacité à cause de la pénurie de main-d’œuvre, ils n’arrivent pas et doivent malheureusement transférer une partie de l’augmentation au consommateur», dit-il.
Menu enfant
Pour pouvoir continuer d’attirer les clients malgré l’inflation galopante, certains restaurants offrent des repas pour enfant à moindre coût, et parfois même gratuitement.
À La Cage, le menu enfant est à 3$ le dimanche. Aux Trois brasseurs, les enfants peuvent parfois manger aussi pour 3$.
Notons par ailleurs que l'Indice des prix à la consommation (IPC) a augmenté de 3,4% d'une année à l'autre en mai, après avoir progressé de 4,4% en avril. Il s'agit de la plus faible hausse depuis juin 2021, a noté Statistique Canada, mardi.
Le ralentissement de la croissance est en partie attribuable à la baisse des prix de l'essence (-18,3%) d'une année à l'autre.
-Avec l’Agence QMI
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