Manawan monte le ton contre l’industrie forestière
Un règlement vient serrer la vis aux entreprises qui rasent les terres ancestrales

Laurent Lavoie et Nora T. Lamontagne
Les entreprises qui tenteront de couper du bois sur le territoire ancestral des Atikamekw de Manawan sans l’aval de son Conseil pourraient désormais être expulsées et mises à l’amende en vertu d’un nouveau règlement. L’une a déjà quitté les lieux.
Excédé d’attendre après Québec, le Conseil des Atikamekw de Manawan a adopté unilatéralement un moratoire sur l’exploitation forestière le 18 janvier dernier.
« Il durera tout le temps que ça prendra au gouvernement pour s’asseoir et discuter d’un arrangement mutuellement acceptable », affirme Paul-Émile Ottawa, le chef de la communauté autochtone située dans le nord de Lanaudière.
Le règlement vise d’abord et avant tout la préservation des forêts du Nitaskinan de Manawan, le vaste territoire ancestral fréquenté par les familles atikamekw de la communauté.
Les compagnies forestières qui y poursuivent leurs activités s’exposent à des poursuites et à des amendes allant jusqu’à 50 000 $ par jour, stipule la réglementation. Plusieurs possèdent des permis de coupe dans le secteur visé.
La police de Manawan pourrait aussi procéder à l’expulsion des contrevenants.
Coup d’éclat
Ce coup d’éclat survient après des demandes répétées de Manawan pour « trouver des solutions qui respectent [ses] droits ancestraux » sur les territoires visés par les coupes octroyées par le gouvernement.
Le chef Ottawa en a entre autres contre les « miettes » de redevances reçues par la communauté.
Le cabinet du ministre des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) Pierre Dufour précise de son côté qu’une rencontre avec les Atikamekw de Manawan et le Conseil de la Nation atikamekw est prévue « prochainement ».
Pour sa part, le Conseil de l’industrie forestière du Québec souligne que les discussions doivent se tenir entre le Conseil et le gouvernement, « de Nation à Nation ».
Le chef Ottawa soutient que le règlement n’en est qu’à ses débuts et qu’il n’a pas encore été appliqué.
Toutefois, une quarantaine d’Atikamekw ont manifesté plus tôt cette semaine à côté d’une exploitation forestière pour défendre les terres ancestrales de plusieurs familles, dont les Echaquan.
« C’est le seul héritage qu’auront nos enfants, soutient Robert Echaquan, l’oncle de Joyce, dont la mort avait ébranlé le Québec en 2020. On n’a pas de maisons à leur donner, ça appartient toujours au gouvernement. »
Le Groupe Crête, qui exploitait cette section du territoire, a accepté de quitter les lieux, ayant déjà coupé 85 % du bois prévu selon son permis.
Bien des questions
Malgré la volonté des Atikamekw de protéger leur territoire, l’avocat spécialisé en droit autochtone Paul-Yvan Martin doute que le règlement passe le test des tribunaux.
C’est que l’autorité du Conseil de bande de Manawan s’arrête aux limites de la réserve de la communauté, selon la Loi sur les Indiens.
« Le Conseil n’a pas le droit, juridiquement parlant, d’aller exercer son autorité dans le territoire du Nitaskinan », résume Me Martin.
Or, le Conseil a adopté son règlement en vertu des droits ancestraux des familles atikamekw. Mais ceux-ci sont beaucoup plus difficiles à faire valoir devant les tribunaux québécois, note Me Martin.