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L'article provient de Le Journal de Montréal
Affaires

Encore beaucoup d’argent public québécois dépensé sur Amazon... malgré de nouvelles règles

La CSN estime que Québec doit surveiller davantage les dépenses chez la multinationale américaine

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Photo portrait de Olivier Faucher

Olivier Faucher

2025-10-17T04:00:00Z
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Des organismes publics ont dépensé des dizaines de milliers de dollars sur Amazon après avoir pourtant reçu l’ordre de se sevrer le plus possible de la multinationale, qui avait brusquement licencié des milliers de Québécois.

En février dernier, Sonia LeBel, alors présidente du Conseil du trésor, avait resserré les règles d’achat sur Amazon de plus de 400 organismes et ministères relevant de l’État québécois.

Les nouvelles mesures prévoyaient que chaque achat sur des plateformes d’achat en ligne comme Amazon devait être approuvé par un dirigeant. Cette autorisation devait ensuite être envoyée au Conseil du trésor. Les organismes devaient également se doter d’une ligne de conduite favorisant l’achat québécois.

Le Journal a obtenu toutes les autorisations transmises entre le 18 février et le 31 août. Elles révèlent que 124 000$ en achats sur Amazon ont été autorisés en six mois.

Le CIUSSS de l’Estrie-CHUS arrive en tête de liste, ayant autorisé des dépenses de plus de 30 000$ sur la plateforme. Par courriel, son porte-parole a toutefois expliqué que ces dépenses avaient été revues à la baisse à 18 700$.

Le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal (18 800$), l’Université de Sherbrooke (7400$) et le Centre de services scolaire des Mille-Îles (6600$) figurent aussi parmi les plus dépensiers.

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Presque aucun détail n’est fourni pour justifier la plupart de ces achats, souvent décrits en termes laconiques comme «acquisition divers» ou parfois «acquisition de livres» ou «acquisition de matériel électronique».

Certains organismes ont toutefois fourni certains détails supplémentaires à la demande du Journal tout en défendant leurs achats (voir autre texte).

• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Benoit Dutrizac, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :

Dépenser chez un délinquant

La CSN avait appelé le gouvernement et le public à boycotter Amazon en raison de son licenciement en janvier dernier de près de 2000 travailleurs qui avait été dénoncé par la classe politique. Ce départ du Québec était en réaction à la syndicalisation de certains de ses employés, croit la CSN, qui conteste toujours la décision devant le Tribunal administratif du travail.

Le Journal a montré à Caroline Senneville, présidente de la CSN, la liste des autorisations d’achat sur Amazon. D’entrée de jeu, elle souligne une «baisse générale» du volume d’achat sur Amazon, mais se questionne tout de même sur les habitudes de plusieurs organismes.

«J’espère que c’est parce qu’ils n’ont pas reçu le mémo, sinon il faut que les gens dans cette liste-là réagissent, estime-t-elle. On donne de l’argent à quelqu’un qui met à la porte des travailleurs, de notre avis, illégalement», déplore-t-elle.

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Mme Senneville demande au Conseil du trésor de faire les suivis nécessaires auprès des organismes qui tardent à se sevrer de la multinationale. «À tout le moins, il devrait poser des questions et renvoyer le mémo», croit-elle.

Le Secrétariat du Conseil du trésor a fait «des rappels» aux ministères sur l'importance de «faire de l'achat québécois et régional» une priorité, a indiqué par courriel sa porte-parole Jessica Leblanc.

«La valeur totale des acquisitions ayant fait l’objet d’une autorisation, au 19 septembre 2025, représente 342 633 $, soit moins de 1 % des 11 G$ d’achat effectués par le gouvernement du Québec depuis le 24 février 2025», a-t-elle précisé.

D’autres plateformes populaires

Les règles édictées en février par Sonia LeBel constituaient aussi une réaction au début de guerre tarifaire avec les États-Unis et visaient ainsi à mieux contrôler les transactions sur toutes les plateformes d’achat en ligne au profit de l’achat québécois.

On constate ainsi, notamment, que plus de 18 400$ ont été dépensés sur la plateforme américaine eBay et que des achats de 3000$ ont été effectués sur le site chinois AliExpress.

Pas de solution de remplacement, selon des organismes

Les organismes les plus dépensiers chez Amazon plaident qu’ils n’ont pas eu le choix de faire certains achats ou que leur personnel était mal informé des nouvelles consignes.

«Notre établissement a utilisé les plateformes d’achat en ligne seulement pour une part très marginale de son budget global d’approvisionnement», s’est défendu le CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal en réponse aux questions du Journal, dans un courriel non signé.

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Les plus de 18 000$ qu’il a dépensés étaient, notamment, pour des «livres spécialisés» qui étaient «non disponibles» chez son fournisseur, justifie-t-il.

Le CIUSSS dit aussi avoir acheté des bracelets antifugues pour ses résidents, car son fournisseur ne pouvait pas lui garantir une date de livraison en plus d’avoir haussé ses prix de 40%.

De son côté, l’Université de Sherbrooke a affirmé qu’elle avait recours aux plateformes comme Amazon «lorsqu’il n’y a pas d’autre possibilité», mais a refusé de donner plus de détails sur les 7400$ qu’elle a dépensés, notamment pour des livres et des périodiques.

Directive méconnue

Au Centre de services scolaire des Mille-Îles, sur la Rive-Nord, la porte-parole Mélanie Poirier soutient qu’une «méconnaissance» des nouvelles mesures a mené à certains achats sur Amazon, malgré une communication en ce sens adressée aux gestionnaires en février dernier.

«Reconnaissant la situation, la direction générale a resserré les règles internes le 4 juillet dernier: depuis cette date, aucun achat non conforme à la directive n’est remboursé, à moins d’avoir obtenu une préautorisation du directeur général. Nous reconnaissons que la directive n’a pas été appliquée de manière uniforme dans tous nos milieux», a-t-elle déclaré.

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