Publicité
L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Maisonneuve-Rosemont: de «STAT» à «Indéfendable», le drame est réel

Photo Ben Pelosse
Partager
Photo portrait de Yasmine Abdelfadel

Yasmine Abdelfadel

2025-05-01T16:40:56Z
Partager

Il y a des jours où la fiction ressemble trop à la réalité. Où la tragédie ne se joue pas sur les plateaux de STAT, mais dans les corridors grisâtres d’un hôpital vétuste, oublié, méprisé. Il y a quelques jours, à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, l’électricité a lâché. Et les génératrices censées prendre le relais ont elles aussi failli à leur devoir. Résultat: un hôpital sans courant, sans filet, sans excuses.

On imagine facilement la scène: l’éclairage d’urgence vacille, les moniteurs s’éteignent, les alarmes retentissent, les équipes médicales courent d’une salle à l’autre. On dirait un épisode de STAT, où l’adrénaline est un outil de narration. Sauf qu’ici, ce n’est pas un épisode de télé. Ce sont de vrais patients. De vrais bébés sous couveuses. De vrais malades branchés à des respirateurs artificiels. Des chirurgies interrompues. Des analyses impossibles. Et une angoisse bien réelle dans les yeux de ceux qui n’ont que l’hôpital pour survivre.

Ici, chez nous.

Ce chaos, c’est celui d’un pays du tiers-monde. Et encore. Car dans bien des zones de guerre, les hôpitaux ont des systèmes de redondance plus fiables que ceux de Maisonneuve-Rosemont.

Et que fait le gouvernement devant ce désastre? Il se regarde les souliers. Il tergiverse. Il compte ses chantiers. Il fait ses petites équations budgétaires en nous disant, le plus sérieusement du monde, qu’il faudra peut-être «prioriser» certains projets de santé et en sacrifier d’autres pour avancer le dossier de l’HMR. Comme si l’accès à un hôpital sécuritaire était un caprice. Comme si soigner les gens à l’est de Montréal était un luxe.

Publicité

Cette réponse n’est pas seulement lente. Elle est insultante. Elle n’est pas seulement bureaucratique. Elle est indéfendable.

Indéfendable

Indéfendable, de demander aux citoyens de jouer au bonneteau avec 38 chantiers en santé, comme si on devait choisir qui mérite des soins et qui peut attendre.

Indéfendable, de faire porter le blâme aux libéraux qui ont quitté le pouvoir il y a sept ans, alors que le gouvernement actuel, lui, a eu tout le temps – et tous les moyens – pour intervenir. Ce même gouvernement qui a trouvé le temps et les milliards pour un troisième lien fantôme, mais pas pour un hôpital qui menace de s’écrouler.

Indéfendable, de prétendre que les infrastructures ont été négligées alors que ce sont les mêmes qui ont livré le CHUM, le CUSM, et laissé un surplus de 7 milliards en quittant.

Indéfendable, surtout, de regarder la population droit dans les yeux et de feindre l’empathie, tout en laissant pourrir la situation. De parler d’humanité dans les discours, et de l’ignorer dans les choix budgétaires.

Maisonneuve-Rosemont n’est pas un décor de fiction. C’est un lieu de soins. Ou plutôt, ça devrait l’être. Ce qu’il est devenu aujourd’hui, c’est un symbole. Le symbole d’un gouvernement qui a les priorités tout à l’envers. Le symbole d’un système à bout de souffle, qu’on regarde s’effondrer, les bras croisés.

Et ça, ce n’est pas un épisode de STAT. Ce n’est même plus Indéfendable.

C’est inexcusable.

Publicité
Publicité