Maison La Vigile de Québec: un ancien presbytère qui redonne vie aux policiers
La directrice générale rêve que les séjours soient accessibles à tous
Geneviève Arguin, directrice générale de la maison La Vigile, espère que les séjours seront couverts pour tous un jour.Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC
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Frédérique Giguère
2024-06-14T15:30:00Z
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Dans le cadre d’une série de reportages sur la santé mentale des policiers, Le Journal s’est entretenu avec des dizaines d’experts et d’agents en plus d’éplucher plusieurs dizaines de documents, dont une quarantaine de demandes d’accès à l’information. Un constat émerge: il n’a jamais été aussi difficile d’être policier.
Chaque mois, de nouveaux policiers pilent sur leur orgueil et passent le pas de la porte d’un ancien presbytère de Québec, qui abrite la seule maison de traitement conçue spécialement pour eux dans la province.
Comme le séjour n’est pas couvert pour tous, certains arrivent «très maganés», selon Geneviève Arguin, directrice générale de la maison La Vigile. «Il y a définitivement une disparité en fonction des corps de police», lance celle qui a repris les rênes de l’organisme en 2018. «On voit des gens arriver ici qui auraient dû venir avant, qui sont vraiment en détresse, mais qui ont repoussé au maximum à cause du prix.»
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Le fondateur, un ancien policier de la Sûreté du Québec (SQ), a mis sur pied ce centre d'hébergement en 2012 car il constatait un besoin criant.
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La police provinciale est d’ailleurs l’un des rares corps de police qui offre une couverture complète à ses membres pour un séjour à La Vigile. La police de Montréal assume 90% du montant, qui s’élève à un peu plus de 5500$. De nombreux policiers municipaux doivent encore payer ce montant de leur poche.
Colère, honte et orgueil
La Vigile est établie dans un ancien presbytère des années 1950 érigé au cœur du quartier des Chutes-Montmorency, à quelques pas du fleuve Saint-Laurent. Les travailleurs de l’urgence qui participent au programme doivent y déposer leurs valises pour une période de 30 jours. Durant leur séjour, ils pourront participer à des ateliers qui portent notamment sur la dépression, la colère, la dépendance, l’anxiété, la honte, la culpabilité, l’orgueil et l’épuisement professionnel.
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«Les gens nous disent souvent qu’on leur a sauvé la vie ou qu’on a rallumé la flamme en eux, dit Mme Arguin. Ce serait utopique de penser que les gens sont guéris en sortant d’ici, parce qu’ils nous arrivent souvent très maganés, mais ils sortent avec des outils et de l’espoir.»
Stevens LeBlanc/JOURNAL DE QUEBEC
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La maison La Vigile tente, depuis un moment déjà, de mettre sur pied un programme avec le ministère de la Sécurité publique afin que les séjours soient couverts pour l’ensemble des travailleurs de l’urgence.
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«C’est mon plus grand souhait», conclut Mme Arguin.
Un programme d’aide national
Parallèlement, l’Association des directeurs de police du Québec (ADPQ) tente de mettre sur pied un programme d’aide national, qui permettrait à tous les policiers du Québec d’avoir accès aux mêmes ressources.
Actuellement, des disparités importantes existent entre les régions. Tous les policiers bénéficient minimalement d’un programme d’aide aux employés (PAE), généralement géré par la Ville. Mais le problème, c’est qu’ils seront orientés vers le même psychologue que la bibliothécaire ou ceux qui entretiennent les plates-bandes.
«Ça prend des services spécialisés avec des gens qui connaissent la réalité policière, dit M. Brochet. C’est essentiel au succès d’un tel programme.»
Or, la pénurie de psychologues qui touche le Québec depuis quelques années freine le projet.
Une thérapie par courriel en 9 semaines
Le programme est désormais couvert par le système
Une thérapie entièrement numérique, où un policier peut faire sa démarche 100% par courriel et être «quasi guéri» d’un choc post-traumatique en l’espace de seulement neuf semaines, est désormais offerte et couverte par le régime public au Québec.
Le PSPNET, d’abord conçu à l’Université de Régina, en Saskatchewan, a fait son apparition au Québec il y a quatre ans.
«On s’est rendu compte qu’il y avait une réelle barrière à demander de l’aide psychologique en raison de la stigmatisation par les pairs ou par l’organisation», explique la Dre Amélie Fournier, psychologue senior et associée de recherche au PSPNET.
« On s’est rendu compte qu’il y avait une réelle barrière à demander de l’aide psychologique en raison de la stigmatisation par les pairs ou par l’organisation »
- Dre Amélie Fournier, psychologue senior et associée de recherche au PSPNET
Photo courtoisie rosewood
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Cette thérapie, pensée exclusivement pour les travailleurs de l’urgence, permet donc d’être pris en charge, sans jamais quitter son domicile ni même montrer son visage.
Les résultats sont d’ailleurs impressionnants: 77% des utilisateurs n'atteignent plus le seuil clinique du trouble de stress post-traumatique au terme de la démarche. Les thérapies numériques ont également un effet grandement bénéfique sur l’anxiété, les troubles de panique et la gestion de la colère.
Bon pour les régions
Ce programme est d’autant plus pertinent pour les plus petits corps policiers en région, où les agents s’empêchent souvent de consulter.
«Ils nous disent qu’ils ne veulent pas croiser leur psy à l’épicerie, par exemple», explique la Dre Fournier.
«Les policiers sont souvent positionnés comme des leaders qui doivent prendre en charge des situations, ajoute-t-elle. Alors de se reconnaître vulnérable, c’est très confrontant pour certains.»
La majorité des thérapies, désormais entièrement couvertes par le régime public, durent neuf semaines. La plupart des gens choisissent un mode hybride, soit par téléphone et par courriel.
«Le fait d’écrire a un effet bénéfique, ça permet de structurer sa pensée et de prendre un recul sur son état affectif», explique la psychologue.
Des résultats prometteurs
83% des patients n'atteignent plus le seuil clinique de l’anxiété
67% ne vivent plus de trouble de panique
77% n'atteignent plus le seuil clinique du trouble de stress post-traumatique