Maison intergénérationnelle: qui paye quoi?

Emmanuelle Gril
Réunir plusieurs générations sous un même toit est une idée qui en séduit plusieurs. Mais comment partager les dépenses pour que personne ne se sente lésé ?
Les maisons intergénérationnelles ont gagné en popularité ces dernières années. Selon les données de l’APCIQ et du système Centris, il s’en est vendu 1749 au Québec en 2020, une augmentation de 43 % par rapport à l’année précédente. Leur prix médian est aussi plus élevé que celui des maisons unifamiliales, ce qui en fait un investissement coûteux. Il en va de même si l’on décide d’agrandir ou d’aménager la résidence familiale pour y loger parents, enfants et grands-parents. D’où la nécessité de bien faire ses calculs.
Le coût de départ
Plusieurs arrangements financiers sont possibles pour acheter une maison intergénérationnelle ou agrandir une maison existante. Ainsi, les grands-parents pourraient verser une partie de la mise de fonds ou encore payer les travaux d’aménagement de la portion qui leur sera réservée.
« S’ils ne font pas d’apport d’argent, l’autre solution est de verser un loyer à leurs enfants, ce qui leur permettra de rembourser une partie de l’hypo-thèque », indique Jean-François Rémillard, conseiller en sécurité financière et conseiller principal chez Gestion de patrimoine Séquito.
Le choix dépendra de plusieurs facteurs : veulent-ils être copropriétaires ou seulement locataires, ont-ils les moyens de participer financièrement, ont-ils d’autres enfants et donc d’autres héritiers potentiels ?
« S’ils ont versé un montant pour la mise de fonds ou les travaux, à leur décès, ce sont les enfants propriétaires de la maison intergénérationnelle qui bénéficieront de la plus-value de la propriété », souligne le conseiller, qui recommande de consulter un expert pour bien planifier la succession et éviter les conflits au moment du décès.
De plus, si les grands-parents sont locataires, au moment de la vente de la propriété, il ne sera pas possible de demander l’exemption d’imposition du gain en capital sur la portion de la maison pour laquelle ils ont versé un loyer, car elle sera dès lors considérée comme un logement locatif. Là encore, l’expertise d’un professionnel aidera à prendre les bonnes décisions.
Partager les dépenses
Une fois tout le monde sous le même toit, il faut alors diviser les dépenses. Les possibilités varient en fonction des arrangements qui ont été pris au départ.
« Si parents et grands-parents sont copropriétaires, on peut partager les dépenses au prorata, comme pour une famille recomposée. Pour nous guider dans nos calculs, on évaluera ce qui est de l’usage exclusif de chacun et ce qui correspond aux parties communes, sans oublier d’ajouter les taxes. Par contre, lorsque les grands-parents sont de simples locataires, ils auront à verser un loyer qui couvrira une partie de l’hypothèque et d’autres frais communs », explique Isabelle Dauphin, conseillère budgétaire à l’ACEF de l’Est de Montréal.
Si vos enfants sont de jeunes adultes et habitent également avec vous, leur demander une participation financière adaptée à leurs moyens permettra de payer une partie des coûts, comme l’électricité, internet, la nourriture, etc.
Isabelle Dauphin ajoute qu’on peut aussi prendre en compte la réalisation de certaines tâches.
« Par exemple, faire de l’entretien ménager, déneiger ou entretenir le terrain, constitue une participation, qui, même si elle n’est pas financière, a quand même une valeur », dit-elle.
Mais, quel que soit l’arrangement pour lequel vous opterez, l’essentiel est que chacun s’y retrouve et tire un avantage à vivre dans une maison intergénérationnelle.
Conseils
► La question financière n’est pas le seul enjeu dans une maison inter-générationnelle. On recher-che aussi une qualité de vie et une cohabitation harmonieuse. Réfléchissez bien et tentez d’anticiper les sources potentielles de friction avant de vous lancer dans ce projet. Si les obstacles vous semblent trop nombreux, pensez-y à deux fois.
► Si vous optez pour une maison intergénérationnelle, entendez-vous à l’avance sur le partage des tâches. Par exemple, si leur santé le permet, les grands-parents pourraient jardiner, ou encore aller chercher les enfants après l’école et faire de l’aide aux devoirs. Les enfants quant à eux, pourraient déneiger l’entrée et tondre le gazon. Répartissez les responsabilités en fonction des intérêts et des capacités de chacun.
► Il faut se demander combien de temps durera cet arrangement. Si les grands-parents sont très âgés et susceptibles de déménager dans un CHSLD d’ici quelques années à peine, le jeu n’en vaut probablement pas la chandelle d’un point de vue financier. Il peut aussi être plus long et plus ardu de revendre ce type de résidence.