Main-d’œuvre indépendante en santé: la fin du recours aux agences devant les tribunaux


Patrick Bellerose
Menacées d’être exclues du réseau de la santé, les agences de placement de personnel se tournent vers les tribunaux afin d’obliger Christian Dubé à reculer sur l’interdiction graduelle de la main-d’œuvre indépendante.
L’association qui les représente a déposé, hier, une requête devant la Cour supérieure, a appris notre Bureau parlementaire.
Représentées par Les entreprises privées de personnel soignant du Québec (EPPSQ), les 24 entreprises du milieu demandent au tribunal d’invalider les deux principaux articles du projet de loi 10, au cœur de la réforme Dubé, qui vise à mettre fin graduellement à l’utilisation de leurs infirmières et préposées aux bénéficiaires.
Québec se donne jusqu’à l’automne 2026 pour sevrer les hôpitaux et CHSLD de cette main-d’œuvre privée, jugée trop coûteuse. Le Journal rapportait récemment que des infirmières cliniciennes indépendantes ont déjà reçu jusqu'à 150$ de l’heure.
Discrimination
«Ce qu’on demande, fondamentalement, c'est de reconnaître le rôle complémentaire de notre industrie et de nos entreprises dans le réseau de la santé publique québécois depuis un demi-siècle», affirme Patrice Lapointe, président de l’EPPSQ.
Ses membres, souligne-t-il, sont prêts à accepter un meilleur encadrement, incluant une grille limitant les tarifs qui peuvent être facturés.
Dans leur argumentaire à la Cour, les agences affirment que l’interdiction de recourir à leur personnel «causera inévitablement des bris de service dans le réseau de la santé, en violation du droit à la vie, à l’intégrité, à la sécurité et à la liberté des Québécois».
De plus, puisque la vaste majorité de ses employés sont des femmes, l’EPPSQ estime qu’il s’agit là d’une mesure discriminatoire.
L’association dénonce également le pouvoir extraordinaire accordé par la loi au ministre afin de recourir, de manière exceptionnelle, à une entreprise de son choix.
Ce «pouvoir discrétionnaire absolu» contrevient aux exigences en matière de contrats publics, estiment les agences, «en plus de représenter un retour en arrière inquiétant dans la gestion contractuelle et des finances du Trésor public».
1 milliard $ en économies
L’automne dernier, le ministre de la Santé, Christian Dubé, a déclaré pouvoir économiser près de 1 milliard $ annuellement en cessant d’avoir recours à la main-d’œuvre indépendante. La somme, assurait-il, sera réinjectée dans le réseau de la santé afin de bonifier les conditions de travail des employés.
Le ministre espère attirer la main-d’œuvre indépendante vers le système public, dans le but de stabiliser les équipes de travail.
Déjà, en date du 22 mars, «1175 personnes ont été recrutées par les établissements de santé via les agences», affirme son ministère.
Mais l’EPPSQ fait valoir que son industrie emploie quelque 11 000 personnes. De ce nombre, 69% affirment qu’elles se seraient réorientées vers une autre profession si les agences n’existaient pas, selon un coup de sonde mené auprès du personnel de ses employés en février 2023.
Peu d’alternatives
D’ailleurs, Patrice Lapointe fait remarquer que le principal syndicat des infirmières, la FIQ, refuse aujourd’hui d’accorder la «flexibilité» réclamée par le gouvernement Legault dans la gestion du personnel.
Au même moment, ajoute-t-il, Québec se départit d’une main-d’œuvre qui permettait justement une gestion agile. «Ça met le réseau de la santé dans une position intenable en ce moment. Et malheureusement, la population en fait les frais», dit M. Lapointe.
Calendrier de la fin du recours aux agences
- 20 octobre 2024: territoires urbains (Capitale-Nationale, Montréal, Chaudière-Appalaches, Laval et Montérégie)
- 19 octobre 2025: territoires mitoyens (Saguenay–Lac-Saint-Jean, Mauricie et Centre-du-Québec, Estrie, Lanaudière et Laurentides)
- 18 octobre 2026: territoires éloignés (Bas-Saint-Laurent, Outaouais, Abitibi-Témiscamingue, Côte-Nord, Nord-du-Québec, Gaspésie–Îles-de-la-Madeleine et Nunavik)
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