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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

Magali Picard criminalise les lanceurs d'alerte syndicaux

Photo d'archives Agence QMI, Toma Iczkovits
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Photo portrait de Antoine Robitaille

Antoine Robitaille

2025-02-06T05:00:00Z
2025-02-06T05:05:00Z
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En cherchant à mettre fin à l’histoire des comptes de dépenses gratinés de la FTQ-Construction, Magali Picard s’est profondément fourvoyée.

Pour la présidente de la FTQ, il semble que la faute la plus grave dans cette affaire soit celle... de la source qui aurait transmis des informations au Journal. Et non l’acceptation, par l’organisation, de comptes de dépenses scandaleux – scotch à 55$, «réunion d’équipe» à 4500$, etc. – révélés par notre Bureau d’enquête.

Comptables

Tout cela rappelait les notes de frais orgiaques de la FTQ-Construction, avant (et devant) la Commission Charbonneau, au temps de Jocelyn Dupuis (reconnu coupable, en 2014, de fraude et de fabrication de faux).

Heureusement, dans les entrevues qu’elle a accordées à Paul Larocque (LCN) et Patrick Lagacé (98.5), Mme Picard a précisé qu’elle n’était «pas d’accord» avec les récents dérapages dépensiers. À ses dires, on serait «loin de ce qui se passait il y a 10 ans».

On sourcille toutefois: la direction de la FTQ-Construction, a-t-elle insisté, a embauché Raymond Chabot Grant Thornton pour qu’elle rédige des balises en matière de dépenses. La FTQ-C a-t-elle vraiment besoin que des comptables lui expliquent le bon sens?

Criminel

Le pire, dans l’argumentaire de Mme Picard, est son attaque en règle contre une personne qui aurait transmis des informations au Journal. «C’est criminel n’importe où, dans n’importe quelle organisation.» C’est évidemment faux, comme l’animateur Lagacé lui a rétorqué, hier matin.

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On croyait les syndicats défenseurs des lanceurs d’alerte. Lors du débat sur le projet de loi 87 (PL 87, facilitant la divulgation d’actes répréhensibles dans les organismes publics), en 2016, la FTQ avait déposé un mémoire.

L’organisation déplorait que «ceux et celles qui divulguent des renseignements» fassent l’objet de «représailles». Une loi devait les protéger.

La FTQ et un syndicat affilié SCFP-Québec réclamaient même une modification au PL 87 pour protéger les «lanceurs d’alerte qui s’adressent aux médias dans une perspective d’intérêt public».

Dans les dernières années, les syndicats ont défendu plusieurs lanceurs d’alerte devant les tribunaux. Lors de prochaines causes, le travail de leurs avocats sera peut-être complexifié par les propos de Picard. Après tout, elle a affirmé qu’un tel geste était criminel...

Représailles

En fait, depuis l’adoption de l’article 425.1 du Code en 2004, ce qui est «criminel», c’est d’exercer des représailles contre un lanceur d’alerte. La FTQ le souligne dans son mémoire de 2016!

Les syndiqués, en vertu de la formule Rand, sont obligés de cotiser à leur syndicat. Mais ils n’auraient pas le droit, s’ils observent des dépenses exorbitantes, de les dénoncer.

Mme Picard semble être de cet avis. Elle a même soutenu de manière inquiétante, dans l’entrevue au 98.5, qu’elle «avait peur» pour la source du Journal...

Pour ensuite minimiser ces histoires de comptes de dépenses, qui représenteraient des peccadilles, à l’heure de l’incertitude trumpienne. Parfois, vraiment, Trump a le dos large.

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