Le documentaire «Ma cité évincée»: un regard humain sur la crise du logement à Montréal

Sarah-Émilie Nault
La meilleure façon de conscientiser le public à une cause qui nous tient à cœur? L’aborder de l’intérieur, à travers de vraies rencontres humaines. C’est ce qu’ont fait Priscillia Piccoli et Laurence Turcotte-Fraser, les réalisatrices du documentaire Ma cité évincée gagnant du prix du public Jean-Marc-Vallée au FCVQ 2023.
Si vous doutiez de la profondeur du gouffre de la crise du logement à Montréal, l’empathique et informatif film documentaire Ma cité évincée saura vous éclairer sur la situation précaire que vit la métropole depuis quelques années.
Plusieurs visages
Tourné sur une période de deux ans, en pleine pandémie, ce film choral suit des moments clés du quotidien de diverses personnes touchées par la crise; un signe que celle-ci revêt plusieurs visages. Ce que ces gens d’âges et de milieux différents ont en commun? Un combat d’habitation (permanent ou provisoire) à mener et une histoire qui indigne, émeut et fait réfléchir.
«Ce n’est pas du camping, c’est de la survie», lance le travailleur de rue Guylain Levasseur alors que les policiers et la Ville de Montréal procèdent au démantèlement du campement Notre-Dame. «L’itinérance n’est pas un concept qui fait vendre, c’est des milliers de gens», ajoute-t-il en regardant la caméra.
Au fil du long métrage, on rencontre aussi les courageux locataires du Manoir Lafontaine de l’embourgeoisé Plateau Mont-Royal; là où un avis de «rénovations majeures» menace de jeter 60 familles à la rue.
Il faut voir Maggie, une vieille dame terrorisée de perdre son logement, s’effondrer en pleurant dans les bras de Manon Massé (la militante et porte-parole de Québec solidaire qui se bat à leurs côtés) pour comprendre la détresse que ressentent ces occupants. De «bons payeurs», doivent-ils préciser et des gens pour qui quitter leur loyer des 8, 10, 20 voire 30 dernières années est inconcevable.

Sensibilité et présence sur le terrain
Évictions, rénovictions (l’action d’évincer des occupants pour rénover puis relouer l’appartement à coût plus élevé), injustices sociales, embourgeoisement, itinérance, débordement de campements d’urgence, mais également entraide citoyenne et fureur de lutter pour les droits humains. Les thèmes abordés à travers ces personnages sont aussi riches que troublants.
À travers leur lentille, leur sensibilité et ces rencontres qui les ont marquées, faites sur le terrain, les jeunes cinéastes Priscillia Piccoli et Laurence Turcotte-Fraser ont su donner un caractère humain à une crise aux concepts souvent abstraits pour ceux qui n’en sont pas directement touchés.

Pour cela, on leur dit merci et on espère que leur film – comme elles le souhaitent – incite à une vraie discussion entre citoyens et décideurs et la favorise.
► 3,5 étoiles / 5
- Le long métrage documentaire Ma cité évincée de Laurence Turcotte-Fraser et Priscillia Piccoli sera présenté au cinéma Beaumont à Québec et à Montréal aux cinéma Public, cinéma Moderne, Cinémathéque québécoise et cinéma du Musée) à partir de vendredi.