Lutter contre la désinformation un élève à la fois
À l’école secondaire de Rochebelle, à Québec, tous les élèves suivent un cours d’éducation aux médias numériques, une exception dans le réseau scolaire québécois


Daphnée Dion-Viens
À l’école secondaire de Rochebelle, à Québec, tous les ados suivent un cours d’éducation aux médias numériques, une formule peu répandue dans le réseau scolaire qui permet de lutter contre la désinformation, un élève à la fois.
Sur l’écran situé devant sa classe, l’enseignant Simon Duguay projette de nouvelles vidéos virales présentant des «challenges impossibles», comme boire de l’essence ou s’immerger dans du ciment liquide jusqu’à ce qu’il durcisse.
Rapidement, les réactions des élèves fusent. «C’est un peu con», lance un élève. «C’est dangereusement stupide», ajoute une autre.
Après quelques commentaires semblables, une autre main se lève. «C’est probablement de l’intelligence artificielle», affirme une adolescente.
En effet. Jusqu’à tout récemment, créer une vidéo semblable de bonne qualité nécessitait d’avoir recours à quatre types différents d’intelligence artificielle (IA), explique Simon Duguay. Or une nouvelle IA vient d’être développée, qui combine tous ces outils, ce qui rend les vidéos truquées encore plus faciles à créer, indique-t-il, avant de questionner ses élèves sur les impacts de cette technologie.
Lors de notre passage en classe cette semaine, Simon Duguay a aussi demandé à ses élèves de valider des informations produites par Google AI Overview, désormais intégrée au populaire moteur de recherche.
Obligatoire pour tous
Dans cette école secondaire de Sainte-Foy, un cours d’éducation aux médias numériques est offert à tous les élèves depuis 2018, en première ou troisième secondaire selon les programmes, à raison d'une période par semaine environ (deux périodes par cycle de neuf jours).
Des notions en lien avec l’intelligence artificielle et la fiabilité de l’information ont été ajoutées récemment, en plus des contenus sur l’utilisation saine des réseaux sociaux, le harcèlement en ligne, la cybersécurité ou la publicité ciblée notamment.
Or un tel cours représente l’exception plutôt que la règle dans les écoles québécoises.
Depuis l’automne, des notions concernant la fiabilité des sources et l’intelligence artificielle sont toutefois enseignées à tous dans le nouveau cours de Culture et citoyenneté québécoise (CCQ), en plus de notions plus larges liées au numérique (voir détails plus bas).
Il ne s’agit toutefois que de quelques heures pendant toute l’année scolaire.
Un bon premier pas
«Le cours de CCQ est un bon premier pas, ça va vraiment dans la bonne direction, mais ça va prendre un effort collectif plus large pour qu’on ait une plus grande littératie numérique chez nos jeunes», affirme Simon Duguay.
Cet avis est partagé par des experts qui réclament plus d’éducation numérique dans les écoles, tout comme la commission spéciale sur les écrans qui recommande de faire davantage de sensibilisation auprès des jeunes dans son rapport final dévoilé jeudi.
«C’est sûr que je vais prêcher pour ma paroisse et dire que toutes les écoles devraient avoir un cours obligatoire d’éducation aux médias. Mais il y a autre chose qui peut aussi se faire», ajoute M. Duguay.
Des profs de français ou d’histoire peuvent très bien prendre dix minutes en classe pour faire un exercice de validation d’informations générées par l’IA avec leurs élèves, en adaptant le contenu à la matière enseignée.
«Juste faire ça de plus, ça pourrait avoir un impact encore plus grand, en plus du cours de Culture et citoyenneté québécoise», affirme l’enseignant.
Éducation numérique à l’école
Contenus obligatoires enseignés dans le cours de Culture et citoyenneté québécoise
Primaire
Troisième année: fiabilité des sources
Quatrième année: médias d’information et médias sociaux
Cinquième année: fonctions, expériences et usages variés du numérique
Sixième année: représentation de soi et sociabilité en ligne
Secondaire*
Première secondaire: identité et socialisation via les plateformes en ligne, les médias traditionnels et numériques
Deuxième secondaire: agir sexuel en contexte numérique, effet du numérique sur la démocratie
Quatrième secondaire: hostilité en ligne, authenticité et expression numérique de la sexualité, intelligence artificielle, protection des renseignements personnels, cyberdépendance
Cinquième secondaire: rôle du numérique dans l’intégration et les mobilisations sociales
*Le cours de Culture et citoyenneté québécoise n’est pas donné en troisième secondaire.
Source: ministère de l’Éducation