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L'article provient de Le Journal de Montréal
Opinions

L’ultime conseil de Guy Rocher aux jeunes générations

«Je souhaite à la jeunesse d’apprendre à bien contester. La contestation, jeune, c’est très important. Contester ce qui doit être contesté.»
«Je souhaite à la jeunesse d’apprendre à bien contester. La contestation, jeune, c’est très important. Contester ce qui doit être contesté.» Photo d'archives, Le Journal de Québec
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Photo portrait de Josée Legault

Josée Legault

2025-09-09T04:00:00Z
2025-09-09T04:05:00Z
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Décédé la semaine dernière à l’âge rarissime de 101 ans, Guy Rocher, grand sociologue, intellectuel engagé et humaniste avant tout, nous manque déjà.

Vendredi, je soulignais son apport exceptionnel à la Révolution tranquille, dont une vaste réforme du système d’éducation francophone jusque-là élitiste, sexiste et contrôlé par le clergé catholique.

L’objectif visé était d’instaurer enfin une réelle égalité des chances en offrant des écoles et des cégeps de qualité, gratuits et laïques tout en créant un nouveau réseau d’universités de langue française.

Résultat: jusque dans les années 1990, des milliers de jeunes de milieux modestes et sous-scolarisés depuis des générations ont pu changer leur destin pour le mieux. J’en ai moi-même fait partie.

Au désespoir de Guy Rocher, nos gouvernements ont toutefois refusé par après de compléter la réforme dont il était l’un des principaux artisans.

Dimanche – le même jour où des parents manifestaient contre les compressions en éducation –, Télé-Québec présentait une longue entrevue de Guy Rocher réalisée l’an dernier pour être diffusée après son décès.

«Ça me scandalise»

Ce qu’il dit du système scolaire québécois actuel devrait être imprimé sur les murs du bureau du premier ministre, quel qu’il soit. Je le cite:

«Ça m’inquiète parce que je me rends compte qu’on a mal réalisé les projets que vous avions faits dans les années 60, 70 et 80. Il y a eu une dérive. Nous avions l’idée d’un système égalitaire et voilà que nous avons un système inégalitaire, qu’on appelle à trois vitesses.»

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En fait, le Québec a le déshonneur d’avoir le réseau scolaire le PLUS inégalitaire au Canada. Ce qui, contrairement aux autres provinces, au lieu de favoriser la mobilité sociale, la freine de plus en plus. Une honte.

Et Guy Rocher d’expliquer: «L’enseignement privé (subventionné par les fonds publics) écrème les meilleurs. À l’intérieur du système public, des programmes spéciaux écrèment les deuxièmes meilleurs. Après ça, il y a un troisième niveau pour les autres.»

Son verdict est limpide: «Je trouve que c’est très grave parce que c’est un retour en arrière. On est partis d’un système élitiste et on est revenus en 2023-2024 à un système élitiste. Ça me peine. Ça me choque. Ça m’irrite. Ça me scandalise.»

Apprendre à bien contester

Bref, qui occupe le poste de ministre de l’Éducation ne change rien tant qu’un gouvernement n’établira pas un réseau scolaire unifié et gratuit comme ailleurs au pays.

C’est une question de justice sociale et d’avenir. Tellement qu’en fin d’entrevue, Guy Rocher s’adresse directement aux plus jeunes. Qu’il s’agisse d’éducation ou de toute autre injustice, il leur dit ceci:

«Je souhaite à la jeunesse d’apprendre à bien contester. La contestation, jeune, c’est très important. Contester ce qui doit être contesté. Créer pour créer du beau, pour créer autre chose. C’est dans ce sens que je compte sur les jeunes pour la relève. Avec ma génération, nous avons fait ce qu’on pouvait faire à l’époque, mais je sais que les jeunes feront autre chose. Certainement, ils le feront à leur manière, mais ils le feront bien. Bonne chance.»

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