L’Ukraine et le complexe militaro-industriel

Normand Lester
Le président Biden a demandé au Congrès 813 milliards de dollars US de dépenses militaires pour l’exercice 2023. Une augmentation de plus de 30 milliards $ par rapport au budget militaire de 2022.
Cette augmentation est destinée – entre autres – à faire face aux « graves menaces » posées par la Russie en Ukraine et ailleurs. L’administration Biden s’était déjà engagée à fournir plus d’un milliard de dollars d’aide militaire à Kyïv.
Elle demande 300 millions de dollars supplémentaires pour l’Ukraine et 6,2 milliards pour renforcer la présence militaire américaine en Europe. L’Union européenne a annoncé qu’elle achèterait et livrerait 450 millions d’euros (623 millions $ CA) d’armes à l’Ukraine.
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De lucratifs contrats en vue
L’invasion de l’Ukraine par la Russie crée un boom pour les fabricants d’armes. Elle garantit au complexe militaro-industriel mondial une rentabilité massive pour des années à venir. Comme pendant les décennies de la guerre froide.
Le conflit a déjà vu une augmentation des dépenses militaires dans de nombreux pays. L’Allemagne, pacifiste depuis la Seconde Guerre mondiale, a annoncé une augmentation majeure de son budget de défense ainsi qu’un imposant programme de réarmement. D’autres pays européens lui emboîtent le pas. Encore plus d’affaires pour le complexe militaro-industriel.
Depuis que la Russie a envahi l’Ukraine, les cours des actions des entreprises comme Northrop, Grumman, Raytheon et Lockheed Martin ont considérablement augmenté.
Lockheed Martin et Raytheon, parmi les fabricants d’armements les plus importants au monde, ont eu l’impudence de déclarer à leurs investisseurs que le conflit en Ukraine était bon pour les affaires.
Les États-Unis et l’OTAN y envoient 17 000 armes antichars et 2000 missiles antiaériens Stinger fabriqués par Raytheon. Les milliers de missiles antichars Javelin fournis à l’Ukraine ont été développés en partenariat par Raytheon et Lockheed Martin. General Dynamics rapporte que la demande de l’Europe de l’Est pour ses véhicules de combat est « à un niveau élevé ».
Lorsque la guerre cessera entre la Russie et l’Ukraine, le complexe militaro-industriel sera encore avantagé. Les pays impliqués, directement ou indirectement, dans le conflit devront reconstituer leur stock de munitions et de missiles et remplacer les avions, les véhicules et les équipements détruits.
Selon l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), 10 pays monopolisaient en 2021 90,3 % du commerce mondial des armes.
Les États-Unis sont facilement le leader mondial, avec 37 % de toutes les ventes d’armes de 2016 à 2020. Vient ensuite la Russie avec 20 %, suivie de la France (8 %), de l’Allemagne (6 %) et de la Chine (5 %). Le Canada est en 17e place avec une part de marché mondial de 0,5 %.
Bon pour l’industrie russe aussi
La guerre en Ukraine est aussi avantageuse pour les fabricants d’armes russes. Les sanctions américaines et européennes vont rendre plus difficiles l’obtention de technologies électroniques occidentales et la vente de systèmes d’armes à l’étranger. C’est sûr. Mais le complexe militaro-industriel russe va être grandement dynamisé par la demande interne. Pensez aux énormes quantités de matériel militaire que le pays a perdu en Ukraine et qu’il va falloir renouveler.