Guerre en Ukraine: la Russie voit ses alliés s'éloigner à l'ONU
AFP
Chine, Venezuela et Cuba ont fait vendredi un pas de côté remarqué vis-à-vis de Moscou lors d'un vote historique à l'ONU, qui a abouti au lancement d'une enquête internationale sur les violations en Ukraine suite à l'invasion russe.
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«Grâce à Dieu, le monde a échappé à une catastrophe nucléaire» dans la nuit, a ajouté l’ambassadrice américaine, en qualifiant cette attaque d’«irresponsable» et de «dangereuse». «Non seulement (Vladimir Poutine) n’a pas écouté» les appels à arrêter son invasion de l’Ukraine, «mais nous venons d’assister à une nouvelle escalade dangereuse qui représente une immense menace pour toute l’Europe et le monde», a dit la diplomate.
Son homologue russe, Vassily Nebenzia, a rejeté les affirmations de l’Ukraine et des Occidentaux selon lesquelles Moscou est responsable de l’attaque, les qualifiant de «mensonges». Elles font «partie d’une campagne de mensonges» à l’encontre de Moscou, a-t-il asséné.
Le diplomate russe a aussi assuré que l’Ukraine était responsable de l’incendie qui s’est déclaré ensuite sur le site nucléaire de Zaporojie, dans le sud de l’Ukraine.
Vassily Nebenzia a toutefois reconnu que des combats impliquant des militaires russes se déroulaient dans la zone concernée. Mais il a évoqué des échanges de tirs entre «armes légères» qui n’incluaient pas, selon lui, des bombardements. Il a affirmé que la sécurité du site nucléaire était assurée, demandant aux Occidentaux de «se calmer».
L’ambassadeur de l’Ukraine à l’ONU, Sergiy Kyslytsya, lors d’un nouvel échange tendu avec son homologue russe, lui a réclamé de «cesser de proférer des mensonges». «Êtes-vous en contact avec votre capitale ?», lui a-t-il demandé, en s’étonnant des affirmations portées par l’ambassadeur russe.
Les inspecteurs de la sûreté nucléaire ukrainienne se «voient refuser l’accès» au site nucléaire de Zaporojie, a dénoncé le diplomate ukrainien.
Sergiy Kyslytsya a indiqué avoir demandé formellement dans une lettre à l’ONU d’établir une zone d’exclusion aérienne pour son pays, réaffirmant que «des zones résidentielles étaient réduites à des ruines» et que «des civils pacifiques étaient tués».
En raison du droit de veto de la Russie au Conseil de sécurité, il n’y a aucune chance pour cette instance d’établir une telle zone d’exclusion aérienne, déjà exclue par l’OTAN.
«Huile sur le feu»
«La communauté internationale doit garder la tête froide et rester rationnelle», a renchéri l’ambassadeur chinois à l’ONU, Zhang Jun. Il ne «faut pas jeter de l’huile sur le feu», a-t-il ajouté en appelant au dialogue.
Lors de la session urgente du Conseil, demandée par le Royaume-Uni, l’ambassadrice britannique Barbara Woodward a souligné qu’il n’y avait aucun doute : ce sont «les forces russes (qui) ont attaqué» Zaporojie, qui abrite la plus grande centrale nucléaire d’Europe.
En début de séance, Rosemary DiCarlo, secrétaire générale adjointe de l’ONU pour les affaires politiques, a souligné que «les attaques contre les sites nucléaires étaient contraires au droit international humanitaire».
De son côté, Rafael Grossi, directeur général de l’AIEA (Agence internationale de l’énergie atomique), lors d’une liaison vidéo en direct d’un avion en route pour Téhéran, a souligné l’«importance» de la quinzaine de centrales nucléaires implantées en Ukraine.
Il a répété être prêt à se rendre en Ukraine sur des sites nucléaires et précisé en avoir fait la demande à l’Ukraine et à la Russie, qui «l’étudie». Cette mission de l’AIEA serait limitée à la «sûreté» des sites, sans intervention politique, a-t-il fait valoir.
Zaporojie a été touchée dans la nuit de jeudi à vendredi par des frappes d’artillerie russe selon les Ukrainiens. Des bâtiments annexes de la centrale ont été touchés par un incendie.
Vendredi, l’armée russe occupait la centrale. Le régulateur ukrainien a indiqué que le feu, qui avait touché un laboratoire et un bâtiment de formation, avait été éteint et qu’aucune fuite radioactive n’avait été détectée.
Conseil de l'Europe: «de plus en plus de voix» pour une exclusion de la Russie, selon la secrétaire générale

Les voix se multiplient au Conseil de l’Europe pour une expulsion pure et simple de la Russie de cette organisation paneuropéenne qui l’a déjà suspendue, a confié à l’AFP la secrétaire générale du Conseil, Marija Pejčinović Burić, exhortant une dernière fois Moscou à cesser les combats et à renouer avec la diplomatie.
« Aujourd’hui, de plus en plus de voix demandent que la prochaine étape soit l’exclusion de la Fédération de Russie », a déclaré vendredi, dans un entretien à l’AFP, l’ancienne ministre des Affaires étrangères croate.
Face à la guerre en Ukraine, « flagrante violation des droits de l’homme », selon les mots de Mme Pejčinović Burić, le Conseil de l’Europe avait décidé une semaine plus tôt de « suspendre » la participation des délégués russes à ses principaux organes, à l’exception de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), son instance judiciaire.
« J’appelle, encore et toujours, les autorités russes à cesser immédiatement et sans condition les hostilités et à revenir à la diplomatie et au dialogue », a lancé la secrétaire générale, s’exprimant en français.
Mais « si ce n’était pas le cas, le comité des ministres (l’“exécutif” du Conseil) et l’Assemblée parlementaire iront de l’avant, en direction d’une exclusion », a-t-elle prévenu.
Vigie des droits humains en Europe, le Conseil de l’Europe, créé en 1949, réunit la quasi-totalité des Etats du continent, 47 au total, dont la Russie, depuis 1996, et l’Ukraine, depuis 1995.
Une expulsion de la Russie, décision sans précédent, empêcherait toutefois les quelque 145 millions de citoyens de ce pays de poursuivre Moscou devant la CEDH lorsqu’ils s’estiment victime de l’arbitraire de la justice russe, leur dernier recours.
Se préparer au pire
« Tout encourage à prendre une décision assez rapidement » sur l’exclusion, qui n’en est pas moins « une décision très difficile et très importante », a souligné la secrétaire générale. Une fois notifiée à Moscou, elle prendrait effet sur-le-champ.
Jusqu’à présent, aucun pays n’a jamais été exclu de l’organisation. En 1969, la Grèce, alors sous le régime des colonels, avait pris les devants, quittant de son propre chef l’organisation juste avant d’en être exclue.
La Russie pourrait-elle faire de même ? « Ils n’ont pas vraiment dit qu’ils allaient partir », a considéré Mme Pejčinović Burić, tout en notant les propos « déplorables » de l’ancien président russe Dimitri Medvedev (2008-2012), qui a évoqué la possibilité de rétablir la peine de mort, une « ligne rouge » pour le Conseil de l’Europe.
Quoi qu’il en soit, l’organisation qui fait figure de forum diplomatique de la Grande Europe, par opposition à la Petite Europe représentée par l’UE, « va continuer » à « travailler pour une plateforme de dialogue pacifique », assure Mme Pejčinović Burić.
Un départ de la Russie la priverait de près de 7 % de son budget annuel, d’environ 500 millions d’euros. Mais Marija Pejčinović Burić assure avoir reçu des signaux « réconfortants » de plusieurs États membres, dont la France et l’Allemagne, prêts à assurer la pérennité financière de l’organisation.
« Nous espérons toujours que la diplomatie aura un effet, mais en attendant, on doit se préparer au pire, et le pire pour l’organisation serait l’expulsion », a regretté Marija Pejčinović Burić, ajoutant : « Les Russes, pour l’instant, ne nous laissent aucune autre possibilité ».
Une session plénière extraordinaire de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE), qui doit être consulté avant toute décision définitive, est prévue à Strasbourg (est de la France) les 14 et 15 mars.
En 2014 déjà, les parlementaires russes siégeant à l’APCE avaient été privés de leurs droits de vote après l’annexion de la Crimée par la Russie, celle-ci répliquant par le boycottage de cette assemblée et la suspension de sa contribution au Conseil de l’Europe.
Après cinq années de vives tensions, le différend avait été réglé et la délégation russe avait réintégré l’APCE, au grand dam des parlementaires ukrainiens.