«Long», «vraiment spécial»: le CH et l’Armada ont pigé tout un énergumène en Russie


Nicolas Cloutier
«Lui, il est vraiment... spécial», résume Matéo Nobert avec le sourire. «Lui», c’est Arseny Radkov, cet athlétique gardien russe que les Canadiens de Montréal viennent de repêcher au troisième tour et qui continuera de se développer sur la rive nord, avec l’Armada de Blainville-Boisbriand.
On ne savait presque rien sur lui avant qu’il ne se présente au camp de l’Armada. En fait, on ne savait même pas s’il parlait le moindre mot en anglais alors qu’il s’apprêtait à accorder sa première entrevue nord-américaine à TVA Sports.
Surprise: un anglais impeccable, le meilleur qu’on ait entendu chez un Russe de 18 ans. «Son anglais? C’est fou, fou, fou», acquiesce Nobert, espoir des Golden Knights de Vegas. «C’est pas un euro comme les autres, il parle beaucoup. Il est tout le temps heureux.»
Radkov a appris l’anglais par lui-même depuis l’âge de 10 ans. Une tâche colossale, puisqu’elle consiste à se familiariser avec un tout nouvel alphabet. Certains joueurs russes de la LNH sollicitent encore les services d’un interprète après des années dans le circuit. Imaginez!
«Depuis que je suis jeune, je veux venir ici, où se joue le meilleur hockey au monde. Il fallait que j’arrive préparé. Et puis, ça m’aidait à décrocher du hockey pendant mes temps libres», justifie tout bonnement le principal intéressé qui a grandi en Biélorussie et a fait un détour par la Finlande avant d’aboutir en Russie.

Son prochain défi? La langue de Molière.
«C’était difficile de trouver un tuteur francophone à cause du décalage horaire en Russie», explique Radkov... comme si on allait lui en tenir rigueur.
«Il veut qu’on lui en trouve un», confirme le directeur général de l’Armada, Olivier Picard. «Il veut parler français au camp [de perfectionnement] des Canadiens l’an prochain.»
Gardien élastique
Le camp d’entraînement de l’Armada n’était vieux que de quelques jours lors de notre visite, et Radkov s’était déjà très bien intégré au groupe de joueurs.
«C’est facile, marquer contre lui», lance à la blague Justin Carbonneau qui a accepté d’être le chauffeur du nouveau venu cette année. «Non, pour vrai, il est fort, il est bon.»
«Vraiment bon», lance Xavier Villeneuve. «Il prend de la place. Il est solide.»
«Je vois un gardien qui a beaucoup de feu en lui», observe Bill Zonnon. «Il veut faire tous les arrêts. Hier, on a marqué quelques buts de suite contre lui à l’entraînement et il a commencé à se fâcher. On a besoin de cette énergie-là, c’est motivant.»
Au-delà de ses 6 pieds 4 pouces, ce qui distingue Radkov des autres gardiens est la longueur de ses membres, précise Carbonneau.
«Il est long», dit-il. «Je sais que c’est bizarre à dire, mais quand il s’étend avec ses pads... je me rappelle une descente à 2 contre 1. La rondelle passe de l’autre côté, le joueur contourne le filet et ses pads sont encore là.»
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«On est contents de l’avoir.»
Et dans son cas, le meilleur est à venir, parce que le grand bonhomme n’a pas tout à fait trouvé ses repères en Amérique du Nord.
«J’ai réalisé dans les matchs préparatoires que ce n’était pas vraiment le même style de hockey ici», admet-il. «C’est plus offensif. Par chez nous, il y avait seulement un gars qui appliquait un échec avant et les quatre autres se concentraient à défendre. J’aime ça, tu dois toujours être aux aguets. Sur la plus petite glace, tu peux recevoir un tir à tout moment.»
«La priorité pour moi sera de simplifier son jeu, de sorte qu’il exploite mieux son gabarit», expose l’entraîneur des gardiens de l’Armada, Nathan Craze. «C’est un gros bonhomme, évidemment, et il n’a pas besoin d’être aussi agressif parfois, surtout sur la plus petite glace. J’appelle ça “maîtriser la simplicité” [mastering the simple].»

Pas un projet
L’Armada croit que cet ajustement ne sera pas trop long.
«Pour moi, ce n’est pas un projet», tranche Olivier Picard, DG de l’Armada. «On était confiants qu’il allait avoir du succès ici.»
«Ce qui m’a sauté aux yeux dès le début avec lui, c’est sa présence devant son filet», se souvient Craze qui a visionné les matchs du cerbère dans la MHL l’an dernier. «Il avait l’air d’un gardien pro, juste de la façon qu’il contrôlait son corps. Il effectuait des arrêts que tu vois chez des gardiens de 25 ans.»
Le plan initial chez l’Armada est de partager le filet entre Radkov et Jakub Milota, un choix de quatrième tour des Predators de Nashville en 2024.
«On ne voit pas la situation comme du 80-20 cette année, clarifie l’entraîneur-chef Alexandre Jacques. Ça va plus être du 60-40. Tout le monde va avoir sa chance, surtout en début de saison.»
«Une bonne équipe a besoin de deux bons gardiens», rappelle Radkov. «La compétition va seulement nous aider. Essayer de surpasser ton collègue est bénéfique à ton développement. Je crois que l’on aura l’un des meilleurs duos de la ligue.»