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L'article provient de Le Journal de Québec

COVID-19: l'OMS bloque officiellement le vaccin québécois de Medicago

Les liens de l’entreprise avec l’industrie du tabac sont derrière cette décision

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Photo portrait de Pierre-Paul Biron

Pierre-Paul Biron

2022-03-25T16:05:40Z
2022-03-25T22:15:16Z
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L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a officiellement rejeté le vaccin COVIFENZ, développé par l’entreprise de Québec Medicago. La décision est justifiée par le fait que la biomédicale appartient de façon minoritaire au cigarettier Philip Morris.

• À lire aussi: Liens avec une compagnie de tabac: le vaccin de Medicago pourrait être refusé par l’OMS

Medicago et l’OMS ont confirmé la nouvelle par courriel vendredi matin.

«[...] une lettre officielle devrait être envoyée sous peu avec des informations complémentaires. [...] Lorsque Medicago aura reçu et revu le rationnel de cette décision, elle sera en mesure de continuer ses discussions sur les prochaines étapes avec ses partenaires et investisseurs», indique la direction de l’entreprise, ajoutant travailler «pour trouver une solution satisfaisante».

Le spectre d’une telle nouvelle avait émergé la semaine dernière quand l’OMS avait suspendu le processus d’autorisation en raison des liens de Medicago avec Philip Morris, actionnaire minoritaire détenant 21% des parts de l’entreprise. Le géant Mitsubishi Tanabe est actionnaire majoritaire avec 79%.

Medicago a indiqué qu’aucun autre commentaire ne serait émis pour le moment.    

  • Écoutez l'entrevue de Mario Dumont avec Marc-André Gagnon, spécialiste des politiques pharmaceutiques à l’Université Carleton, sur QUB radio:    

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Seule raison

L’affiliation avec Philip Morris demeure la seule raison expliquant la décision, insiste la direction de l’entreprise biomédicale. Une affirmation confirmée par l’OMS

«La compréhension de Medicago est que la décision de l'OMS est liée uniquement à l'actionnaire minoritaire de l'entreprise et non à l'efficacité et la sécurité de son vaccin à base de plantes contre la COVID-19», insiste le fabricant.

«L'OMS mène actuellement des discussions sur la manière de répondre à une tendance générale de l'industrie du tabac à investir dans l'industrie de la santé. Nous explorons actuellement différentes options de politiques pour des produits de santé potentiellement valables qui sont liés à l'industrie du tabac», souligne de son côté l’OMS.

Les essais cliniques de COVIFENZ avaient démontré une efficacité de 71% contre les infections avec symptômes et de 100% contre les formes graves du virus de la COVID-19.

La politique de l’OMS sur les contrats bénéficiant aux entreprises des industries du tabac et de l’armement est toutefois claire et bien connue. Malgré ce fait, l’entreprise basée à Québec avait bon espoir de faire reconnaître son vaccin qui présente des résultats «comparables aux autres vaccins déjà distribués», explique le virologue Alain Lamarre.

«Les règles de l’OMS sont claires. Que ça n’ait pas été prévu par le gouvernement qui a investi ou par Medicago elle-même, c’est assez déroutant», souligne l’expert de l’INRS.

Le fédéral a d’ailleurs investi 173 M$ dans l’aventure vaccinale de Medicago contre la COVID-19. Une entente pour l’achat de 76 millions de doses avait aussi été conclue.     

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  • Écoutez la chronique de Vincent Dessureault au micro de Geneviève Pettersen sur QUB radio:    

Solution

Tout n’est cependant pas perdu pour Medicago. La possibilité d’une vente des parts de Philip Morris doit être analysée, estime Alain Lamarre.

«Est-ce que Medicago ou le gouvernement lui-même pourrait racheter les parts de Philip Morris pour sauver la mise? Ça doit être étudié. Parce que ce qu’on comprend, c’est que ce n’est pas l’utilisation d’une plante cousine du tabac qui est le problème, ce sont les bénéfices qu’un cigarettier pourrait en retirer», précise le chercheur.

Le ministre fédéral de l’Innovation, François-Philippe Champagne, a affirmé être à la recherche de «pistes de solutions» et assure avoir déjà été en contact avec l’entreprise pour la suite des choses.

«Si jamais il y avait une autre pandémie, les experts vous diraient qu’un vaccin sur la base de plantes peut être la solution dans une infection future. Alors, on veut qu’ils aient du succès. Donc on va travailler avec eux sur une solution», a-t-il dit lors d’une mêlée de presse vendredi.

M. Champagne a toutefois indiqué que, «personnellement», «il y avait quelque chose qui était bizarre de voir le type de capital ou d’actionnaires dans cette société-là», en parlant des parts des Philip Morris dans Medicago.

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En parlant des différentes «pistes de solutions», le ministre est d’avis que «l’actionnariat de ces grands groupes-là ça varie souvent avec le temps». 

«Si vous regardez même l’évolution de Medicago, ç’a évolué avec les années. Moi, je pense que ça va évoluer encore.»

Pas complètement bloqué

Le vaccin de Medicago avait été homologué par Santé Canada à la fin février. Le vaccin peut donc être utilisé au pays, mais le plan initial était aussi d’en faire profiter d’autres régions du monde. Le Canada s’était d’ailleurs engagé à faire don de 200 millions de doses de vaccins d’ici la fin de 2022, dont plusieurs doses du COVIFENZ.

La décision de l’OMS complique ce processus, mais ne le bloque pas complètement, insiste Alain Lamarre.

«L’OMS a une position importante sur les recommandations, mais c’est la prérogative de chaque pays, de chaque agence réglementaire, d’autoriser ou non l’utilisation d’un vaccin. Ça n’empêche donc pas que certains pays puissent lever la main et utiliser le vaccin de Medicago», estime le virologue, ajoutant qu’il serait dommage de s’en passer pour des questions administratives.

«Je comprends la position de l’OMS, mais ça enlève un joueur, ça enlève des vaccins potentiels pour la planète. On se limite.»

Medicago développe son vaccin à base d’une plante qui est un dérivé de celle du tabac. On intègre à cette plante des particules pseudo-virales qui permettent ensuite la fabrication du vaccin.

– Avec la collaboration de Raphaël Pirro, Agence QMI 

Une décision qui fait réagir  

« Est-ce que Medicago ou le gouvernement lui-même pourrait racheter les parts de Philip Morris pour sauver la mise ? Ça doit être étudié. Parce que ce qu’on comprend, c’est que ce n’est pas l’utilisation d’une plante cousine du tabac qui est le problème, ce sont les bénéfices qu’un cigarettier pourrait en retirer. »

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– Alain Lamarre, virologue à l’INRS

« Lorsque Medicago aura reçu et revu le rationnel de cette décision, elle sera en mesure de continuer ses discussions sur les prochaines étapes avec ses partenaires et investisseurs. »

– Communiqué de la direction de Medicago

« Si jamais il y avait une autre pandémie, les experts vous diraient qu’un vaccin sur la base de plantes peut être la solution dans une infection future. Alors, on veut qu’ils aient du succès. Donc on va travailler avec eux sur une solution. »

– François-Philippe Champagne, ministre fédéral de l’Innovation

« L’OMS mène actuellement des discussions sur la manière de répondre à une tendance générale de l’industrie du tabac à investir dans l’industrie de la santé. Nous explorons actuellement différentes options de politiques pour des produits de santé potentiellement valables qui sont liés à l’industrie du tabac. »

– Réponse de l’OMS sur sa décision

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