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L'article provient de Le Journal de Québec
Culture

L’oiseau-grenade: la guerre, cette déchirure

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Josée Boileau

2022-05-07T04:00:00Z
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Assia et ses proches cherchent à fuir Alep, assiégée. Leur parcours ne sera pas que terrestre ; il leur faut aussi arriver à quitter la guerre dans leur tête.

Avec L’oiseau-grenade, son nouveau roman, Anne Guilbault présente une famille syrienne prise au piège de la guerre en Syrie. Elle réussit à nous glisser dans leur peau, ce qui est en soi prenant.

Or la guerre en Ukraine rend encore plus pertinente la lecture de cet ouvrage tout en sensibilité. Ce parallèle, non recherché par la romancière, mais que l’actualité impose, se justifie même par un très beau passage de L’oiseau-grenade...

« La guerre lie les époques, les humains. C’est toujours la même haine qui cède puis se reforme, peu importent le pays, le continent, l’époque, les cottes de mailles, les chevaux ou les avions. [...] Ce sont toujours les mêmes hommes armés qui assassinent la joie. »

Et la joie peut-elle revenir ?

Une jeune femme, Assia, est au cœur de l’histoire. Son père est syrien, sa mère québécoise. À l’heure de la fuite, c’est donc vers le Québec qu’elle se dirige. Encore faut-il décider à quel moment partir : on ne quitte pas si facilement son pays, on ne laisse pas légèrement des gens derrière soi.

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Mais rester à Alep, c’est confronter quotidiennement la mort : nul n’est à l’abri d’un tireur, d’une grenade, d’un missile.

Un jour, il faut donc se résoudre au départ ; mais à qui faire confiance, où traverser la frontière, quelle embarcation prendre pour atteindre l’Europe ? Partout, il faut déjouer la mort.

Assia livre ses pensées tout au long du récit. Mais comme celui-ci est divisé en trois parties, vont s’y ajouter, à tour de rôle, les réflexions de son amoureux Akram – Casque blanc qui aide les victimes du conflit –, de son petit frère Eshan puis de sa mère, Lili.

Chacun raconte la situation de son point de vue, qui va évoluer au fil des pages. Le glissement se fait doucement, exemple même de l’usure mentale qu’amène la guerre, par-delà les souffrances physiques et la peur.

Assia, magnifique personnage, se distingue par sa détermination à ne pas sombrer. Pour ce faire, elle s’accroche à la poésie, notamment celles du Québécois Roland Giguère et de la Syrienne Maram al-Masri, qui tire « une montagne de tristesse avec ma main droite / une montagne d’espoir avec ma main gauche ».

L’écriture d’Anne Guilbault a aussi cette approche, toute en images et en délicatesse. On a le cœur serré quand elle évoque un petit voisin mort, le mariage précipité d’Assia et Akram, le stress de la fuite, l’attente dans les camps de réfugiés, puis l’inquiétude pour la famille restée là-bas quand on est soi-même arrivé à bon port. La guerre déchire de tant de façons.

Un épilogue surprenant ferme le récit. Il ramène au constat déjà fait par Assia : « il faut prendre conscience de la simultanéité du bonheur et du malheur ». Hélas, ça ne va pas sans douleur.

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