Loi 94: laïcité à toutes les sauces


Shophika Vaithyanathasarma
On peut être pour la laïcité, pour l’égalité entre les femmes et les hommes, pour la protection de la langue française et trouver le projet de loi 94, adopté jeudi dernier, ridicule. Pourquoi? Parce que cette loi fourre-tout ne règle rien de ce qui freine la réussite.
Lâchez-moi avec le voile
Commençons par le visage découvert et l’interdiction des signes religieux.
Le projet serre la vis sur la neutralité apparente et généralise le visage découvert. On transforme les clauses de laïcité en réflexe contractuel et disciplinaire dans tout le réseau scolaire.
Combien de membres du personnel et d’élèves portent le voile intégral au Québec?
Combien? Au moins une.
Et honnêtement, légiférer sur le voile intégral en se basant sur un cas, ça ne fait qu’alimenter la méfiance.
Des enseignantes me parlent de sorties avec leurs élèves portant le voile qui tournent mal. Menaces, insultes, regards lourds pour ces élèves. C’est ça, la réalité.
Et très franchement, si j’avais à porter le voile, à voir ce chaos, ça ne me donnerait pas le goût de l’enlever.
À cela, on ajoute l’interdiction de prendre congé pour des motifs religieux et l’adaptation du menu à des restrictions liées au religieux. Est-ce ça, la laïcité au Québec? Faire du micromanagement dans ce que les gens mangent et ajoutent dans leur calendrier?
On doit sanctionner les gens pour ce qu’ils font, pas pour ce qu’ils portent ou sont. Et pendant qu’on empile les lois, que reste-t-il? Des écoles clandestines liées à la Mission de l’Esprit-Saint qui abîment encore l’enfance. Des croix qui trônent encore dans des écoles. Belle laïcité, la gang!
Les enseignants
Ah, surprise! On y parle aussi d’évaluation. Il y a une évaluation renforcée des enseignants. L’ensemble des enseignants au Québec y sont soumis, parce que 11 enseignants ont fait honte à la profession, à l’école Bedford. Comprenez-moi bien, personne n’est contre l’évaluation. C’est le contexte de l’imposition. Dans le contexte actuel des compressions et de la pénurie, mon petit doigt me dit que les directions ont des dossiers plus pressants à régler que l’évaluation des enseignants. Alors, pourquoi légiférer?
Évaluer mieux, oui.
Évaluer plus souvent, sans temps de formation ni allègement, c’est bureaucratiser. On parlera de qualité, mais on mesurera surtout la conformité.
On parle du français, mais aussi du climat scolaire. On élargit les devoirs en matière d’intimidation, de haine et de discrimination. Nommer ces fléaux est nécessaire. Mais les écoles n’ont pas besoin de nouvelles définitions: elles ont besoin de psychoéducateurs, de TES, de temps de concertation. Une loi peut dire «tolérance zéro».
Seule une équipe disponible la rend crédible.
Dans une école, prévenir la violence ne s’énonce pas, ça s’organise.
J’ai l’air de chialer pour chialer, mais je suis tannée qu’on légifère pour le fun.
Une bonne loi en éducation se reconnaît à ce qui change pour l’élève lundi matin.
Celle-ci change surtout le ton des consignes.
Si on veut vraiment protéger l’école, va falloir arrêter de légiférer sur les vêtements et commencer à investir dans les humains.