Littératie financière et numérique: double pénalité pour les Québécois


Francis Gosselin
Le faible niveau de littératie financière des Québécois est doublement pénalisant.
Trop peu d’épargne, mauvaise préparation à la retraite, méconnaissance des allocations et des crédits gouvernementaux, sous-utilisation de l’assurance...
Pire encore, la méconnaissance de l’économie et des finances a une autre conséquence, plus perverse encore: elle favorise la désinformation et la manipulation et engendre des conséquences potentiellement fâcheuses pour un nombre croissant de victimes.
C’est du moins ce que révèle un nouveau sondage publié ces derniers jours par Co-operators, où 32% des répondants affirment avoir subi les conséquences de mauvais conseils financiers. Parmi ceux-ci, la moitié disent avoir perdu de l’argent et le quart avoir subi un stress additionnel.
Les jeunes hommes plus vulnérables
Le sondage précise ce que nous savions déjà tous un peu intuitivement: plus d’information, c’est parfois pire que de ne pas en avoir.
En effet, près de la moitié des répondants affirme que l’abondance de conseils les «submerge», les jeunes étant particulièrement vulnérables.
La consommation de contenus numériques souvent très courts, comme les publications Instagram, les vidéos TikTok et autres brèves sur YouTube, permet d’entendre une variété de conseils dont la véracité n’est pas toujours facile à vérifier.
Dans plusieurs cas, ce sont carrément des mensonges visant à attirer les utilisateurs dans un piège. Pour quelqu’un qui ne connaît pas très bien la finance et l’économie, il est parfois difficile de distinguer le vrai du faux, le bienveillant de l’arnaque.
Étrangement, les jeunes femmes sont, semble-t-il, moins susceptibles de tomber dans le panneau et de suivre des conseils douteux. Selon le sondage, elles reçoivent apparemment davantage de mises en garde sur l’utilisation du crédit, par exemple.
À l’inverse, les jeunes hommes sont plus souvent poussés à prendre des risques, sans les comprendre. Un rapport de Bankrate publié l’an dernier montrait que 74% des détenteurs de cryptoactifs étaient des hommes, résultat d’un écosystème «d’influence» qui promeut l’accumulation rapide de richesse par la prise de risques.
Des conseils artificiels
Dans la même veine, un sondage de l’AMF réalisé en octobre révèle que près d’un Québécois sur quatre s’est servi de l’intelligence artificielle pour obtenir des conseils financiers. Cette proportion passe à 43% chez les 25-34 ans.
Difficile de dire, à ce stade-ci, s’il faut s’en réjouir ou s’en inquiéter – l’intelligence artificielle est connue pour, parfois, dire n’importe quoi.
Pour autant, ces nouveaux usages témoignent d’une curiosité qu’il ne faut pas punir ni chercher à décourager: les outils d’IA peuvent simplifier la prise de décision et démocratiser l’accès au savoir financier. S’ils peuvent aussi véhiculer des conseils approximatifs, voire trompeurs, lorsqu’ils ne sont pas encadrés ou validés, c’est qu’une occasion existe pour... encadrer et valider!
Chose certaine, apprendre à conjuguer littératie financière et autonomie numérique fait partie des grands défis de l’époque contemporaine.
L’internet change notre façon de parler d’argent. Pas toujours pour le mieux. Mais parfois oui. Le vrai pouvoir n’est ni dans l’écran ni dans l’algorithme, mais dans le jugement.
Des Québécois plus curieux et plus conscients feront de meilleurs choix, avec ou sans le numérique.