Lisez un extrait du livre «Godasse, le vrai visage d’un tueur des Hells»
Notre Bureau d’enquête revient en détail sur cette saga judiciaire
25 ans avant Frédérick Silva, qui aide présentement la police à résoudre une soixantaine de complots de meurtres, la justice québécoise a eu recours à un autre célèbre délateur. Au tournant des années 2000, Stéphane «Godasse» Gagné a permis de mettre hors d’état de nuire le chef des Nomads, Maurice «Mom» Boucher, au terme de deux procès spectaculaires. Notre Bureau d’enquête dévoile des détails inédits de cette saga dans un nouveau livre, Godasse, le vrai visage d’un tueur des Hells, en librairie dès maintenant.
Stéphane Gagné s’était levé de bonne heure, le matin du vendredi 5 décembre 1997, après à peine trois heures de sommeil. Sorti en ville avec d’autres motards et «Mononcles» dont il devait assurer la sécurité, il avait dormi au repaire que se partageaient les Rockers et les Nomads, au 2885 rue Gilford, à l’intersection de la 6e Avenue, dans le quartier Rosemont.
La veille, Gagné et René «Balloune» Charlebois – son «parrain» au sein des Rockers – avaient convenu de se rendre ensemble à l’aéroport de Dorval pour 8h, le lendemain matin. Ils allaient accueillir et assurer le transport des motards venus de l’étranger qui avaient été invités à participer à la fin de semaine de célébrations du 20e anniversaire d’existence des Hells Angels au Canada et de son chapitre mère, celui de Montréal, à leur repaire de la rue Prince à Sorel.
Cet événement revêtait une signification toute particulière pour Godasse. Les Hells Angels avaient l’habitude de profiter des anniversaires de fondation de leurs chapitres au Québec pour officialiser les promotions de leurs nouveaux membres en règle. Ce vendredi était donc un grand jour puisque les Rockers devaient, en soirée, remettre à Godasse sa nouvelle veste de membre «full patch» du club-école des Hells.
[...]
À son réveil, Godasse a demandé à Luc, qui s’occupait de la watch – le terme que les motards utilisent aussi pour parler de la surveillance de leurs repaires – s’il pouvait appeler Balloune pour lui demander dans combien de temps il viendrait le chercher. Mais Luc s’est trompé de numéro. Il a appelé celui du téléavertisseur de Maurice «Mom» Boucher. Puis, sans s’apercevoir de son erreur, il a passé le combiné du téléphone à Godasse dès que le chef a retourné le message en rappelant au repaire.
–Oui bonjour, a dit Mom.
–Comment ça va? lui a demandé Godasse en bâillant.
–Ça va bien. Toé?
–OK, c’est pour voir si t’étais debout, là.
–Ah! Ben oui, a répondu le chef qui avait l’habitude de se lever très tôt. Mais là, y faudrait que tu viennes me rejoindre chez nous, pour qu’on aille à Sorel.
–T’es-tu fou? rétorque sèchement Godasse.
–Comment ça? répond le plus sérieusement du monde le chef.
–C’est qui ça?
–C’est Mom.
–Ah! C’est Mom... Excuse, j’pensais que c’était René. T’as pagé Mom, toé! dit ensuite Godasse à Luc pour que Mom comprenne l’origine de l’imbroglio.
–Hahaha, réagit le chef.
–C’est parce que j’m’en vais chercher les gars à l’aéroport à 8h à matin...
–Il faudrait que t’en envoies un autre, lui commande Mom avant de tousser un coup.
–J’en envoie un autre pis j’vas m’en aller chez vous...
–Avec Toots, précise Mom en faisant référence à André Tousignant, un prospect des Nomads ayant la réputation de ne pas avoir froid aux yeux.
–OK. J’vas pager Toots.
–Bye, a dit Mom avant de raccrocher.