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L'article provient de Le Journal de Québec
Monde

Liquider Poutine?

Le président russe Vladimir Poutine
Le président russe Vladimir Poutine Photo AFP
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Photo portrait de Luc Laliberté

Luc Laliberté

2022-03-15T11:55:36Z
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Absent depuis une semaine en raison de la naissance de notre fils, je reprends le clavier alors que la Russie progresse encore en Ukraine et que les images de la crise humanitaire se multiplient, toujours aussi brutales et inacceptables.

Si notre sympathie va d’abord, avec raison, à la population ukrainienne durement éprouvée, je ne peux m’empêcher d’imaginer à quel point les civils russes se retrouvent eux aussi dans une situation intenable.

Éprouvés par l’effet des sanctions, coupés d’autres sources d’informations que celles autorisées par l’État et rapidement condamnés s’ils osent défier un meneur autoritaire, ils sont aussi abandonnés à un sort peu enviable.

Pour quelques lecteurs et commentateurs de l’invasion russe en Ukraine, le visage associé à toute cette sinistre opération est celui de Vladimir Poutine. Certains, comme le sénateur républicain Lyndsey Graham, rêvent d’occire le président russe, d’en commander l’assassinat.

Si je peux sans peine reconnaître que Vladimir Poutine n’a aucun respect pour la dignité humaine, je ne crois cependant pas qu’il soit bien sage ou même efficace de l’exécuter. C’est d’ailleurs ce que confirmait lui aussi Stephen Kinzer dans un article publié dimanche sur le site POLITICO.

Vous n’êtes probablement pas sans savoir que des présidents américains ont déjà fermé les yeux sur des assassinats ou qu’ils en ont eux-mêmes commandés. Vous avez probablement en tête les nombreuses tentatives d’éliminer Fidel Castro, mais ce n’est que la pointe de l’iceberg.

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Le «champion» dans ce domaine fut Dwight Eisenhower. Il est lié à plusieurs complots, mais impliqué directement dans trois tentatives, dont deux échecs. S’il a pu compter sur l’aide des Belges pour envoyer ad patres le charismatique Patrice Lumumba, il n’a pu parvenir à ses fins avec Castro ainsi qu’avec le premier ministre de la République populaire de Chine Zhou Enlai.

Si des leçons de l’histoire doivent éclairer la lanterne d’Américains qui souhaitent l’élimination de Poutine, il faudrait au moins retenir que les échecs furent bien plus nombreux que les réussites.

Non seulement on échoue souvent, mais il y a des risques énormes à œuvrer en marge de la moralité et de la légalité. Ce ne serait pas la première fois que les États-Unis s’affichent comme chantres de la démocratie dans le monde avant d’agir de manière paradoxale, mais ces actions pourraient bien revenir les hanter.

Lyndon Johnson déplorait que les États-Unis se comportent comme la mafia et il associait l’assassinat de Kennedy à la complicité présumée de ce dernier dans le complot qui a mené à l’exécution du président sud-vietnamien, et allié controversé, Ngô Đình Diệm. Johnson interprétait la mort de son prédécesseur comme une forme de punition divine.

Outre un passé peu glorieux, un taux d’échec élevé et des retombées majoritairement négatives, un autre élément doit être considéré avant de songer à se débarrasser du président russe. Pour détestable qu’il soit, Vladimir Poutine n’agit pas seul.

La disparition du président russe n’offrirait qu’une bien petite et bien brève satisfaction à ceux et celles qui lui vouent une haine totale. Les intérêts de la Russie demeureraient les mêmes. Il ne faut pas oublier que si nous nous retrouvons dans la situation actuelle, c’est que les intérêts russes sont légitimement menacés.

Loin de moi l’idée de justifier d’une quelconque manière l’invasion de l’Ukraine, il s’agit d’un acte de barbarie condamnable. Cependant, sommes-nous assurés que le successeur de Poutine sera plus ouvert au dialogue ou moins brutal?

Je ne crains pas les oligarques directement touchés par les sanctions, mais qui doivent tout à l’actuel président. Ce qui me préoccupe, ce sont les hommes de l’ombre, ceux qui comme Poutine ont grandi et pris du galon dans l’ancienne URSS. Leur approche et leur idéologie sont les mêmes que celui qui est devenu l’incarnation de la froideur, celui pour qui les vies humaines ne constituent qu’un facteur stratégique parmi d’autres.

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