Sa famille en colère contre la réforme de la rémunération des médecins: Lionel Carmant quitte ses fonctions de ministre et le caucus de la CAQ
Patrick Bellerose et Nicolas Lachance
Coup de tonnerre à Québec: le ministre Lionel Carmant a quitté ses fonctions, jeudi, devant la grogne suscitée au sein de sa famille par la réforme du mode de rémunération des médecins. Malgré le départ de cet ami de longue date, François Legault se dit déterminé à aller de l’avant.
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«Je fais le choix de ma famille, la famille que nous avons construite, mon épouse et moi», a déclaré celui qui était responsable des Services sociaux, une branche du ministère de la Santé.
Il quitte également le caucus de la CAQ, mais terminera son mandat à titre de député indépendant.
Plutôt cette semaine, le neuropédiatre de formation avait confié que sa conjointe et sa fille, également médecins, étaient «fâchées» en raison des cibles de performances désormais imposées par Québec.
Sa fille Laurence, spécialisée en médecine fœto-maternelle, disait songer à quitter le Québec, dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien Le Devoir.
Lors de son fellowship à Toronto, la jeune femme pouvait voir «huit à douze patientes» en un avant-midi, contre seulement trois au Québec. «Même médecin, même motivation, mêmes compétences: ma productivité chute de 75%», écrit-elle.

Legault à ses côtés
Ami et voisin de M. Carmant pendant de nombreuses années, le premier ministre François Legault était présent à l’annonce, visiblement ébranlé.
«Je comprends le déchirement qu’il vit actuellement avec sa famille. Et dans la vie il faut toujours choisir d’abord sa famille», a-t-il commenté.
Il s’agit d’un nouveau coup dur pour la CAQ, après les départs cet automne d’Andrée Laforest et de Maïtée Blanchette Vézina, de même que l’expulsion de Pierre Dufour.
L’annonce a entraîné des changements dans l’équipe ministérielle. Sonia Bélanger devient la ministre responsable des Aînés et des Services sociaux, tandis que Caroline Proulx hérite du ministère de l’Habitation.
• Regardez aussi ce podcast vidéo tiré de l'émission de Benoit Dutrizac, diffusée sur les plateformes QUB et simultanément sur le 99.5 FM Montréal :
Coup de tonnerre
La démission de Lionel Carmant a eu l’effet d’un coup de tonnerre dans les corridors de l’Assemblée nationale, où les visages étaient graves.
Tous les regards se sont tournés vers le ministre de la Santé, Christian Dubé, auteur de la loi 2, qui a mené au départ de son collègue.
«J’ai beaucoup d’empathie pour Lionel. Ç’a été un collègue extraordinaire pendant plusieurs années», a déclaré Christian Dubé. (voir les autres réactions ci-dessous)
Legault garde le cap
Une fois le choc encaissé, François Legault est revenu devant les médias en après-midi pour tenter d’expliquer à nouveau les bienfaits de sa réforme, adoptée sous bâillon samedi dernier.
Il invite les médecins à regarder l’application de la loi. «On ne coupe pas un sou dans le budget total. Mais on veut répartir les sommes là où c’est le plus pertinent», explique le premier ministre.
Toutefois, «il n’est pas question de reculer sur le changement du mode de rémunération», a-t-il assuré.
Ce débat dure depuis «25 ans, minimum», dit-il, bien décidé à trancher une fois pour toutes.
«Si on continue avec la même recette, on aura le même mauvais gâteau», a-t-il ajouté en anglais.

Ce qu’ils ont dit
«Le premier ministre aurait dû écouter davantage la seule personne autour de la table du conseil des ministres qui savait de quoi elle parlait lorsqu’il était question des difficultés pour les médecins d’améliorer l’accès.»
-Dr Marc-André Amyot, président de la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec
«C’est une décision courageuse. Personne ne peut reprocher à quelqu’un de choisir sa famille avant tout.»
-Dr Vincent Oliva, président de la Fédération des médecins spécialistes du Québec
«Je ne serais pas surprise qu’il y en ait qui se posent des questions ce week-end.»
-Maïté Blanchette Vézina, ex-ministre caquiste
«Il fait le choix de partir pour être avec sa famille [...] C’est quelqu’un qui était venu offrir son expertise.»
- André Fortin, porte-parole libéral en matière de santé
«Son départ illustre la lourdeur des conséquences du projet de loi 2. [...] Le premier ministre doit enfin reconnaître que ce geste n’est pas anodin. Quand même ses propres collègues en sont ébranlés, c’est le signe que quelque chose ne va pas.»
-Ruba Ghazal, chef parlementaire de Québec solidaire
«Il faut souligner le courage de son geste de ce matin. Je lui souhaite le meilleur pour la suite des choses.»
-Paul St-Pierre Plamondon, chef du Parti Québécois