L’investisseur futé: un produit rassurant et populaire, mais coûteux


Sylvain Larocque
Dans cette chronique, nous vous donnons des idées concrètes pour placer votre argent.
C’est l’un des produits financiers les plus populaires au Québec, mais c’est aussi l’un des plus complexes. Et il coûte cher!
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Je parle des placements garantis liés aux marchés, qui portent une multitude de noms: Zénitude, CPG Diversifiés Série Flex, billets structurés...
Ils sont populaires parce qu’ils promettent le meilleur des deux mondes: donner accès à la croissance des marchés boursiers tout en protégeant le capital investi.
Prenons un exemple: le Portefeuille garanti Zénitude – Ambitieux de Desjardins. Si vous optez pour le terme de cinq ans et que vous investissez moins de 25 000$, le rendement annuel composé maximal sera de 8,16% (pour l’émission en cours). Vous récupérerez votre capital de départ même si les Bourses enregistrent un rendement négatif d’ici 2030.
Il existe des centaines de produits différents dans cette catégorie, y compris certains qui vous assurent un rendement minimal versé sous forme d’intérêts périodiques et d’autres où une partie de votre capital est à risque.
Desjardins adore!
Les placements liés aux marchés sont particulièrement populaires au Québec. Le Mouvement Desjardins en est particulièrement friand. Ça se comprend: l’argent investi dans ces produits lui permet de se financer, contrairement à l’argent placé dans des fonds communs ou des FNB. Pour une coopérative qui ne peut pas émettre d’actions, c’est très précieux.
Ce n’est pas pour rien que Desjardins occupe le premier rang au Canada, et de loin, dans le marché des placements liés aux marchés, qui pèse plus de 95 milliards $. Pas mal pour une institution financière qui est la sixième en importance au Canada!

Le chef des placements à PWL Capital, Benjamin Felix, a fait une sortie en règle contre ces produits en 2023. Deux ans plus tard, il n’a pas changé d’avis.
«À cause de leur complexité, les gens ne réalisent pas à quel point ils sont coûteux», m’a-t-il dit cette semaine.
Piètres rendements
Le rendement des placements liés aux marchés repose sur un panier de titres (généralement des actions). Plusieurs institutions financières permettent de suivre en ligne le rendement réel généré par le panier de titres et de le comparer avec le rendement maximal annoncé. C’est ici pour Desjardins et ici pour la Banque Nationale.
Selon la firme spécialisée SPi, le rendement annualisé moyen des placements liés aux marchés qui sont venus à échéance depuis le début de 2025 au Canada s’élève à un peu plus de 9%. Ça me semble élevé, car chez Desjardins, aucun produit émis en 2020 avec un terme de cinq ans n’a eu un rendement supérieur à 7,04%.
Cela dit, au cours des cinq dernières années, le rendement annualisé du FNB XEQT d’iShares, composé d’actions de grandes entreprises du monde entier, s’est élevé à plus de 13,6% tandis que celui du XGRO, composé à 80% d’actions et à 20% d’obligations, a été de 10,8%.
Ces deux FNB diversifiés ont donc généré, chaque année, un rendement supérieur de 4,6 et de 1,8 points de pourcentage, respectivement, par rapport au rendement moyen des placements garantis (9%). Je vous laisse calculer ce que ça représente sur des milliers de dollars pendant des années.
Deux études publiées en 2011 en arrivaient à des écarts moyens d’au moins 4,5 points de pourcentage entre les rendements des placements garantis et ceux des grands indices boursiers. On peut supposer que les écarts sont moins grands lorsque les marchés connaissent de mauvaises années.
Investisseurs inquiets
«Ces produits répondent aux préoccupations liées à la perte de capital, qui inquiète beaucoup d’investisseurs inexpérimentés», constate Ben Felix.
Pourtant, il est très rare qu’un portefeuille diversifié d’actions mondiales reste dans le rouge pendant plus de cinq ans, note-t-il.
En insistant un peu, j’ai réussi à faire dire à M. Felix que les placements garantis pouvaient avoir du bon pour ceux qui ont du mal à résister à la tentation de vendre quand les Bourses plongent.
«Je n’aime pas trop l’idée, mais on peut faire l’argument que ces produits sont un peu mieux que de ne pas investir du tout», glisse-t-il avec une pointe de malice.
Je remercie Stephen Quirion, qui a gentiment insisté pour que je m’intéresse à ce sujet. Faites comme lui et n’hésitez pas à m’écrire si vous avez des idées pour cette chronique: sylvain.larocque@quebecormedia.com.