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L'article provient de Le Journal de Montréal
Monde

Guerre en Ukraine: l’invasion russe vue par une photographe d’ici

Adrienne Surprenant parcourt le pays avec son appareil photo pour documenter les traces du conflit

Des travailleurs se préparaient à creuser le site d’une fosse commune dans un boisé d’Izioum à la mi-septembre, où plus de 400 personnes auraient été enterrées pendant l’occupation russe.
Des travailleurs se préparaient à creuser le site d’une fosse commune dans un boisé d’Izioum à la mi-septembre, où plus de 400 personnes auraient été enterrées pendant l’occupation russe. Photo Adrienne Surprenant, MYOP pour The Wall Street Journal
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Photo portrait de Nora T. Lamontagne

Nora T. Lamontagne

2022-10-11T04:00:00Z
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Une photojournaliste québécoise postée en Ukraine témoigne sans flancher des pires atrocités d’une guerre qui a coûté la vie à plus de 5000 civils et 10 000 soldats ukrainiens.

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Dans les derniers mois, Adrienne Surprenant a vu de ses yeux de grands blessés, des bombardements, les corps de victimes de crime de guerre. Des fosses communes, aussi.

Helena Nikolaïvna s’éloigne de sa maison démolie à Droujkivka pendant une frappe nocturne dans le Donbass, en juin.
Helena Nikolaïvna s’éloigne de sa maison démolie à Droujkivka pendant une frappe nocturne dans le Donbass, en juin. Photo Adrienne Surprenant, MYOP pour Libération

« Quelqu’un qui n’a jamais connu l’odeur de la mort a de la misère à se l’imaginer. Ça imprègne tout le lieu. Ça rentre dans la gorge, les narines », décrit la photographe, dont le travail est publié par plusieurs grands médias internationaux.

Au déclenchement du conflit, cette dernière a quitté Paris, où elle était basée, avec l’intention de prendre des photos de l’afflux de réfugiés en Pologne.

La réfugiée Daria Mitiuk, une étudiante ukrainienne, a quitté la France pour retourner à Kyïv en mai. La photographe Adrienne Surprenant l’a suivie dans son périple depuis Paris.
La réfugiée Daria Mitiuk, une étudiante ukrainienne, a quitté la France pour retourner à Kyïv en mai. La photographe Adrienne Surprenant l’a suivie dans son périple depuis Paris. Photo Adrienne Surprenant, MYOP pour Libération

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« Sauf qu’on se fait happer par les histoires des gens qu’on documente. Leur parler à la frontière, ce n’est que la moitié de l’histoire. C’était juste logique de rentrer dans le pays », soutient la diplômée en photographie du collège Dawson, à Montréal.

Vies bouleversées

Depuis, le travail d’Adrienne Surprenant est apparu dans le Wall Street Journal, Libération, Le Monde, Le Devoir et le 24 Heures, pour ne nommer qu’eux.

Il illustre le quotidien chamboulé des Ukrainiens de tous horizons : femmes enceintes, évacués du Donbass, réfugiés de retour, orphelins, proches éplorés, premiers répondants...

Ses assignations l’ont amenée à parcourir un pays où elle n’avait jamais mis les pieds avant février, au gré de l’évolution de la guerre.

Elle s’est retrouvée en avril dans des villages libérés en banlieue de Kyïv – Bucha, Irpin, Borodyanka – où des centaines de personnes auraient été massacrées par les soldats russes. 

Ses clichés montrent des travailleurs qui creusent inlassablement des trous dans un charnier pour déterrer leurs compatriotes.

« Ce geste, à répétition, était d’une telle violence... », laisse-t-elle tomber, avant de reprendre : « C’est dur, c’est horrible, mais ça reste notre métier. Toute une partie de notre travail sert de preuve. On renforce la réalité de ce qui s’est passé, même si, par exemple, des chambres de torture sont nettoyées par la suite. »

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  • Écoutez l'entrevue de Philippe-Vincent Foisy avec Adrienne Surprenant, photojournaliste québécoise sur QUB radio:

Difficile à supporter

Malgré la nécessité d’immortaliser cette horreur, elle n’en est pas moins parfois difficile à supporter pour ceux et celles qui doivent la photographier.

Adrienne Surprenant évoque l’enterrement de deux frères abattus par les Russes, auquel elle a assisté en mai dans le nord de l’Ukraine, après avoir côtoyé leur famille pendant quelques jours.

L’entrevue avec leur père a été particulièrement poignante. « Il n’arrêtait pas de pleurer. On faisait des pauses, on prenait une cigarette, on reprenait... Ce sont les moments dans l’intimité des histoires qui me marquent le plus fortement », témoigne la membre de l’agence de photographes MYOP.

Quand Le Journal l’a rejointe à la fin septembre, la femme de 30 ans se trouvait à Mikolaïv, au sud, où des soldats lui avaient permis de s’approcher du front.

« Nos possibilités de travail dépendent pas mal de qui est en position de force. Comme les Ukrainiens ont réussi à faire de bonnes avancées [dans la région], il y a de meilleurs accès militaires », explique-t-elle.

Le cadavre d’un homme victime d’une frappe russe est embarqué dans un camion de la morgue à Mikolaïv, en mars.
Le cadavre d’un homme victime d’une frappe russe est embarqué dans un camion de la morgue à Mikolaïv, en mars. Photo Adrienne Surprenant, MYOP pour Le Devoir

Une couverture exigeante

Depuis le début du conflit, la native de Hull a pris l’habitude de faire des allers-retours entre l’Ukraine et la France.

La photojournaliste québécoise Adrienne Surprenant.
La photojournaliste québécoise Adrienne Surprenant. Photo courtoisie, Arthur Gauthier

Après un mois sur le terrain à travailler souvent 14 heures d’affilée et à rendre 40 photos de qualité quotidiennement, elle prend une pause de dix jours.

« C’est très dur de décrocher. Il n’y a pas une fois où j’ai quitté l’Ukraine sans penser que je n’avais pas assez travaillé », soupire Adrienne Surprenant.

Pense-t-elle rester encore longtemps à couvrir cette guerre qui s’éternise ? « Plus le temps avance, plus le travail devient intéressant. Je vais continuer le temps que ça va durer », dit-elle.


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