Batterie électrique: l’industrie québécoise craint de se faire doubler

Martin Jolicoeur | Journal de Montréal
Bien qu’en avance sur bien des pays, des acteurs de l’industrie de la batterie électrique au Québec s’inquiètent que la province finisse – par manque de capitaux ou de rapidité – à se faire doubler par la concurrence.
«C’est bien important la rapidité, affirmait lundi le vice-président de Lion Électrique, Patrick Gervais. En ce moment, on est en avant de la vague. Mais si on ne va pas rapidement, on va se faire rattraper.»
Cet avis faisait l’unanimité parmi les entrepreneurs réunis hier par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM) pour discuter de la filière en émergence de la batterie électrique.
«C’est une nouvelle économie, il y a vraiment une opportunité pour nous de saisir cette occasion-là, poursuit M. Gervais. Mais il faut mettre tout en place pour rester en avant de la vague. Ce n’est pas tout d’être rapide. Mais d’être parmi les premiers dans un marché fait une différence.»
« On aurait donc dû »
À la tête de Recyclage Lithion, qui annonçait la semaine dernière une entente de partenariat avec IS Doingseo Company, de Corée de Sud, Benoît Couture partageait une opinion semblable. «Le défi, dit-il, c’est vraiment de suivre la cadence. Le marché a besoin que tous les acteurs aillent beaucoup plus vite.»
Dans un tel contexte, où les clients se montrent de plus en plus impatients de voir se concrétiser des solutions à leurs besoins, les entreprises et pays qui sauront le plus rapidement faire naître un écosystème propre aux besoins de la batterie électrique risquent d’être gagnants.
«Il va falloir faire des choix, dit Benoît Couture. (...) Et accepter que l’on puisse des erreurs. Ça se peut qu’on se dise, ̈on aurait donc dû... ̈ . Mais si on attend d’être certain de tout, on ne bougera pas, la vague va passer, on va regarder la vague s’éloigner et on ne surfera pas.»
L’un des grands problèmes que rencontrent les entreprises québécoises en serait un de financement pour faire avancer ses projets suffisamment rapidement. Recyclage Lithion aura fini par le trouver à Hong Kong, en Chine. IMM Investment Global est ainsi devenue son actionnaire principal.
Fonds privé dédié
« Il existe du capital au Québec. Mais Investissement Québec et le Fonds de solidarité FTQ ne peuvent prendre des positions dominantes dans les entreprises», explique Sarah Houde, PDG de Propulsion Québec, le secrétariat de la grappe des transports électriques et intelligents. Cela force les entrepreneurs à consacrer beaucoup d’énergie à la recherche de financement plutôt que de se consacrer à d’autres aspects importants de la croissance de leur entreprises.»
La situation serait d’autant plus préoccupante que les recherches de financement par les entreprises du Québec donnent des résultats mitigés. En résumé, selon une étude publiée en décembre dernier, les entrepreneurs québécois du secteur du transport électrique consacreraient en moyenne deux fois plus de temps que la concurrence à leur recherche de financement, mais avec des résultats de fonds deux fois moins importantes.
Pour pallier à la situation, Mme Houde rêve de la création d’un fonds d’investissement privé québécois qui se spécialiserait dans la filière de la voiture électrique. Ce qui pourrait accélérer la démarche des entrepreneurs et ainsi leur permettre de s’intégrer plus rapidement dans une éventuelle chaîne de logistique québécoise ou nord-américaine.
Jean-François Béland, vice-président de Ressources Québec, une division d’Investissement Québec, confirme que le rythme de croissance de cette industrie est très rapide. «Avant, on faisait de la politique industrielle en années, même en décennies dans certains cas. Dans ce cas-ci, ça se joue parfois en quelques semaines, voire en quelques mois. Ça bouge très rapidement.»
-Avec la collaboration de Francis Halin.