L’hypothèse d’une construction à l’interne du tramway fait son chemin


Taïeb Moalla
Loin d’être farfelue, l’hypothèse que la municipalité devienne le maître d’œuvre du volet «infrastructures» du tramway fait son chemin à Québec.
Jonatan Julien, ministre responsable de la région de la Capitale-Nationale, ne semble pas douter de la capacité de la Ville de Québec de prendre en charge cet aspect du projet.
«Je sais très bien que la Ville de Québec a de grandes capacités. J’étais responsable de l’ingénierie... Il y a d’excellents ingénieurs, même chose à la trésorerie», a-t-il commenté celui qui fut numéro 2 de la Ville il y a quelques années.
D’après lui, «On a le même objectif M. Marchand et moi: c’est de trouver la manière la plus efficace de [gérer] un projet de transport collectif comme le tramway, alors je pense que toutes les pierres doivent être levées».
Sa collègue des Transports, Geneviève Guilbault, a dit préférer attendre la proposition financière finale avant de commenter davantage. «M. Marchand semble avoir des idées dans sa poche pour essayer d’influencer avantageusement le coût du projet. Je vais le laisser faire sa mise à jour», a-t-elle laissé tomber.
Syndicats municipaux ouverts à l’idée
Du côté des cols bleus de la Ville, le président du syndicat, Luc Boissonneault, a mentionné ceci au Journal: «On n’en a pas parlé avec l’administration, mais ça ne me surprend pas que le maire ait mentionné ça. On a des équipes spécialisées qui font des jobs qu’on confiait avant à l’entreprise privée».
Parmi les prétravaux entièrement réalisés à l’interne, il y a le déplacement des câbles souterrains. Ce travail préparatoire devait à l’origine être réalisé en partenariat avec le consortium choisi. Il a été fait dans les délais et dans les budgets impartis, selon M. Marchand.
«Si on veut faire les travaux à l’interne, il va falloir grossir les équipes pour avoir la main-d’œuvre nécessaire, a prévenu M. Boissonneault. On est ouverts aux défis. Peut-être qu’ils se rendent compte que notre expertise à l’interne est excellente et nos employés sont ultra-qualifiés. Les cols bleus, on est les meilleurs et on est là pour le service aux citoyens à moindre coût.»
Chez les cols blancs, le président du syndicat, Réal Pleau, s’est également dit ouvert à l’idée d’une reprise à l’interne des travaux du tramway, même s’il a convenu que cette hypothèse ne lui a pas été soumise par l’administration municipale.
À considérer sérieusement
Pour l’homme d’affaires Yvon Charest, président du CA du groupe en faveur du tramway «J’ai ma passe» la Ville pourrait juger que la gestion de risque confiée à un consortium lui coûtera trop cher et qu’il est préférable qu’elle assume elle-même ce risque pour faire des économies. Cette méthode a été utilisée notamment pour le Centre Vidéotron, a-t-il rappelé.
Selon lui, «s’ils ont les bonnes personnes autour de la table, je pense qu’ils peuvent sérieusement considérer ça.»
M. Charest croit que le directeur du bureau de projet Daniel Genest, qui a réalisé le grand projet du nouveau pont Champlain, est «la bonne ressource».
Risque et expertise
De son côté, Marie-Soleil Tremblay, professeure à l’École nationale d’administration publique (ÉNAP) et spécialiste en gouvernance des entreprises publiques, a rappelé les deux principaux avantages quand on fait affaire avec un consortium: le partage du risque et la recherche de l’expertise nécessaire.
«Avant de décider que le coût lié aux consortiums est trop élevé, il faut s’assurer qu’on est capable d’aller chercher l’expertise. C’est comme si on trouve que le prix d’un contracteur est trop cher. Mais si on s’autocontracte, est-ce que l’expertise qu’on a à l’interne va me permettre de faire les bons choix?»
Évitant de dire si une reprise à l’interne des travaux est une bonne ou une mauvaise idée, Mme Tremblay a cependant ajouté que «c’est toujours sage, avant de prendre des décisions, de regarder toutes les options qu’on a sur la table».
D’après elle, «une des hypothèses» pouvant expliquer la sortie du maire est celle d’améliorer les conditions des négociations actuelles avec les consortiums présélectionnés pour réaliser le volet «infrastructures» du tramway.
– Avec la collaboration de Marc-André Gagnon et de Stéphanie Martin