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L'article provient de Le Journal de Montréal
Société

L’évasion de Jacques Mesrine a marqué l’histoire du pénitencier de Laval

Saint-Vincent-de-Paul devrait abriter un musée, plaide un criminologue

Vue générale de l’aile nord (gauche) et de l’aile nord-est (droite) du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul montrant les portes encagées.
Vue générale de l’aile nord (gauche) et de l’aile nord-est (droite) du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul montrant les portes encagées. Photo Parcs Canada
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Photo portrait de Mathieu-Robert Sauvé

Mathieu-Robert Sauvé

2024-11-23T12:00:00Z
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Le 21 août 1972, six prisonniers du pénitencier Saint-Vincent-de-Paul, à Laval, profitent du changement de garde sur les miradors pour filer sous les clôtures limées préalablement. Parmi eux, un des plus célèbres criminels de l’histoire de la France, Jacques Mesrine.

«C’était un homme scolarisé d’origine bourgeoise et qui savait cultiver son image. Il a d’ailleurs écrit deux livres en prison», relate le criminologue André Normandeau, professeur émérite de l’Université de Montréal et éditeur de revues spécialisées.

Jacques Mesrine en 1973.
Jacques Mesrine en 1973. Photo Wikipedia

C’était la deuxième fois que Mesrine s’évadait d’une prison québécoise puisqu’il avait pris le large après sa première incarcération à Percé en 1969.

L’«Ennemi public numéro un», comme on le surnommera – c’est aussi le titre d’un long-métrage lancé en 2008 avec Vincent Cassel dans le rôle-titre –, retournera en France sans se faire prendre, mais finira ses jours criblé de balles en 1979, en pleine rue de Paris, à la suite d’une filature policière.

La une du «Journal de Montréal» au lendemain de la capture du complice de Jacques Mesrine, Jean-Paul Mercier, le 3 décembre 1972.
La une du «Journal de Montréal» au lendemain de la capture du complice de Jacques Mesrine, Jean-Paul Mercier, le 3 décembre 1972. Photo JdeM

Recherche stoppée

La récente décision du gouvernement fédéral de se départir du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul, à Laval, fermé depuis 1989, a rappelé à M. Normandeau des souvenirs datant de plus de 50 ans. Fraîchement diplômé de l’Université de Philadelphie, aux États-Unis, M. Normandeau avait obtenu l’autorisation de mener avec son équipe une recherche en milieu carcéral. L’objectif était de démontrer que même les pires récidivistes pouvaient aspirer à la réhabilitation dans des prisons plus humaines.

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On lui avait en quelque sorte donné les clefs de l’Unité spéciale de correction où Mesrine et une poignée de criminels dangereux purgeaient leur peine. M, Normandeau a d’ailleurs pu interviewer Mesrine à trois occasions «en dedans».

La première flotte de camions est arrivée au «pen» vers 1930.
La première flotte de camions est arrivée au «pen» vers 1930. Photo Domaine public

Avant de braquer des banques et de tuer des innocents, l’ancien stagiaire en architecture avait travaillé aux plans du pavillon de la France pour l’Expo 67, aujourd’hui le Casino de Montréal. Il avait un puissant charisme auprès tant des prisonniers que des gardiens.

En orchestrant l’évasion de 1972, Mesrine a précipité la fin de l’expérience criminologique. «On a été remerciés à mi-chemin du contrat initial de trois ans », concède M. Normandeau, joint en Floride par Le Journal.

Riche histoire

Le criminologue croit qu’il est légitime pour le gouvernement de vouloir se départir d’anciens pénitenciers. Mais ces lieux doivent garder vivante une mémoire collective.

Pénitencier Saint-Vincent-de-Paul, 1884.
Pénitencier Saint-Vincent-de-Paul, 1884. Photo Domaine public / Wm. Notman & Son (1882-1919)

«Je pense qu’une partie de l’immeuble doit être accessible au public. Il s’agit d’un établissement carcéral qui a été le théâtre de plusieurs événements historiques», affirme-t-il. Les villes de Trois-Rivières, au Québec, et de Philadelphie, aux États-Unis, ont procédé de la sorte avec leurs vieilles prisons et ces installations attirent chaque année de nombreux touristes.

Quelques dates

  • 1873: Inauguration du pénitencier de Saint-Vincent-de-Paul.
  • 1930: Agrandissement des bâtiments. Le nombre de cellules passe à 1100.
  • 1962: Des prisonniers allument des incendies qui entraînent la destruction de neuf édifices. Bilan: un détenu meurt et 14 personnes sont blessées.
  • 1989: Fermeture du pénitencier, seul établissement francophone du réseau fédéral.
  • 1990: Désignation de «Lieu historique national» par Ottawa.
  • 2024: Services publics et Approvisionnement Canada annonce la vente des bâtiments qui pourront accueillir jusqu’à 1500 logements.
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