Lettres indignes: une prescription de peur


Yasmine Abdelfadel
Envoyer une lettre à ses patients pour leur dire qu’ils perdront leur médecin si le projet de loi sur la rémunération est adopté? Sérieusement? Quelle idée tordue.
Non seulement c’est mensonger, mais c’est indigne. Indigne d’une profession qui se réclame d’un code de déontologie. Indigne d’un rôle qui repose sur la confiance. On ne mobilise pas les patients à coups de peur et de demi-vérités. On les soigne. On les respecte. On les informe – mais pas pour servir ses propres intérêts corporatistes.
Autosabotage
Ce n’est pas une opinion. C’est une faute professionnelle. Et quand des omnipraticiens franchissent cette ligne, ils ne nuisent pas qu’à leur réputation personnelle. Ils torpillent l’effort collectif de toute une profession qui, jusqu’ici, avait su faire valoir ses arguments de manière responsable.
C’est d’autant plus aberrant que les médecins avaient commencé à gagner du terrain. En commission parlementaire, plusieurs critiques du projet de loi avaient trouvé écho. Des arguments solides sur la lourdeur administrative, sur les effets pervers d’une rémunération à la performance, sur l’autonomie professionnelle. Bref, une stratégie intelligente, patiente, structurée.
Unanimité contre eux
Et là, on assiste à une campagne de communication qui aurait sa place en période électorale, pas en cabinet médical. Résultat? Toute la discussion est polluée. Le ministre jubile, les partis d’opposition se dissocient, le Collège des médecins réagit publiquement... et l’opinion publique se retourne.
Ce n’est pas un débat de société qu’on anime ici. C’est un mauvais coup de théâtre. Et c’est toute la crédibilité des médecins – y compris celle des spécialistes, beaucoup plus prudents dans leurs interventions – qui en prend pour son rhume.
La Fédération des médecins omnipraticiens se tait. Grave erreur. Parce qu’à défaut de dénoncer, elle cautionne. Et à force de vouloir tout gagner, elle risque de tout perdre. À commencer par l’écoute du public.