Lettre à mon père, décédé de la maladie d’Alzheimer

Andréanne Masson, Assistante certifiée en optométrie
Cher papa, il y a bientôt deux ans, j’ai accepté de partager un bout de notre histoire, de révéler à des inconnus une partie de notre vie. Une trop triste partie de notre réalité. Je l’ai fait pour aider.
• À lire aussi: Aide médicale à mourir anticipée: un droit qui devrait être accordé à tous!
Je l’ai aussi fait pour me libérer. J’ai pensé que ça apaiserait notre souffrance un peu. Que ça nous aiderait à accepter qu’encore en 2023, certains croient toujours que les personnes atteintes d’Alzheimer ont de beaux moments à vivre et sont en quelque part «heureux». Je voulais leur montrer qu’ils avaient tort puisqu’il était évident pour nous que tu ne l’étais pas.
Les choses changent...
Aujourd’hui papa les choses changent. Eh bien humblement, j’ose penser que mon témoignage, ajouté à des centaines d’autres, ont su démontrer et faire comprendre à ceux qui décident, que ce n’était pas humain. Enfin, dans quelque temps, ces pauvres gens et leurs familles pourront faire le déchirant mais nécessaire choix de pouvoir arrêter l’acharnement et au moment venu, mourir dans la dignité...
À peine trois mois après la publication de mon texte, tu étais immobilisé dans ta chaise, attaché, n’étant plus capable de marcher ou simplement de te tenir debout. Tes mots étaient brisés, incompréhensibles. Chaque visite était troublante pour nous... Tu l’aurais choisi quand, toi, le bon moment papa? Je me le demande. Est-ce que ça aurait été là? Ou avant? Comment ça se serait passé, dis-moi? Je me pose beaucoup de questions en ce moment mais je sais que tu l’aurais fait, pour nous d’abord, puis pour toi.
Je sais aussi qu’on aurait tous été là jusqu’à la fin. Ce nouveau droit ne s’appliquera donc pas pour nous puisqu’il est trop tard. Trop tard parce que les lois n’étaient pas de notre côté au moment du diagnostic. Trop tard surtout parce que la vie s’est chargée de t’envoyer son «aide à mourir». Ou peut-être est-ce le ciel qui a entendu mes prières? Peu importe, tes souffrances et les nôtres ont été abrégées le 8 avril dernier... et nous étions là. Jusqu’à la fin.
De l’espoir pour d’autres familles
Je suis heureuse et soulagée que le gouvernement ait déposé un projet de loi sur l’élargissement de l’aide à mourir, de savoir que cette maudite maladie n’aura pas le dernier mot.
Une page s’est tournée pour nous mais d’autres commencent leur combat. Soulagée parce qu’au-dessus de ma tête plane un doute, qui me laisse croire parfois que je n’ai peut-être pas juste hérité de la couleur de tes yeux...
Bon repos papa, je t’aime.
Andréanne Masson, Assistante certifiée en optométrie, Val d’Or