Lettre à mes boss
Moi aussi, je veux des primes!


Richard Martineau
Chers patrons, pardonnez-moi de m’adresser directement à vous par l’entremise des pages du journal que vous dirigez.
Mais à force de lire les excellents reportages du Bureau d’enquête sur la rémunération des cadres et des employés du secteur public, une idée m’est venue en tête.
Une idée brillante qui, j’en suis sûr, va vous exciter autant qu’elle m’excite.
ENCOURAGEZ L’EXCELLENCE!
Vous voulez, j’en suis sûr, améliorer ma performance.
Après tout, j’écris des chroniques pas mal, mais – entre vous et moi – ça pourrait être mieux.
Pourquoi ne feriez-vous pas comme nos sociétés d’État – Hydro-Québec, Loto-Québec, la SAQ et compagnie? Chaque fois que je fais le boulot pour lequel vous me payez, paf, vous me donnez une prime!
Me semble que ça serait un excellent incitatif, non?
Au fil des ans, j’ai compris qu’une chronique parfaite comprend 529 mots. Pas un de plus ni un de moins; 528, ce n’est pas assez, 530, c’est trop.
Donc, chaque fois que je vous donnerai une chronique comprenant 529 mots, paf, une prime!
Et chaque fois que je respecterai l’heure de tombée (dans mon cas, 15h – à moins que le pape défroque ou qu’un ancien président des États-Unis se fasse tirer), re-paf, une autre prime!
Si c’est bon pour le secteur public, je ne vois pas pourquoi ça ne serait pas bon pour moi, non?
Me semble que ça me donnerait un kick!
Aussi: si jamais j’écris une grosse bêtise, que je vous mets dans le trouble et que vous devez déchirer – le cœur dans l’eau – le contrat qui nous lie, j’aurai droit à une généreuse prime de départ!
C’est comme ça que ça se passe dans le secteur public: tu diriges la Caisse de dépôt et tu fais perdre des milliards de dollars aux Québécois, par exemple?
Tu ne quittes pas la queue entre les jambes, oh que non! Tu pars avec un gros chèque!
Il est temps que le secteur privé s’inspire des meilleures méthodes utilisées dans le secteur public!
UN PEU DE VINO!
Et puis après avoir lu les nombreux reportages du Bureau d’enquête sur l’Office de consultation publique de Montréal et l’Administration portuaire de Montréal, une autre idée géniale a germé dans mon esprit.
Vous savez que pour être un bon chroniqueur, il faut «sentir» l’air du temps. Prendre la température de l’époque.
Pour ça, il faut jaser avec les gens. Savoir ce qui les réjouit ou ce qui les met en colère.
Pourquoi je n’aurais pas accès à un (gros) compte de dépenses?
Comme ça, je pourrais inviter mes amis dans les meilleures tables du Québec, afin de discuter avec eux du système de santé, de la CAQ ou de l’état de l’industrie de la restauration.
Bien sûr, il faudrait aussi que je puisse voyager deux fois par année (minimum), afin de participer à des colloques d’associations de chroniqueurs, histoire d’échanger avec les meilleurs et ainsi, apprendre de nouveaux trucs.
Oui, je sais, cela va me demander beaucoup de temps et d’énergie, mais je suis prêt à faire ce genre de sacrifices pour l’entreprise.
Bref, j’attends votre réponse.
(En passant, mon texte fait 529 mots. Pile. Poil. Juste.)