Les virus respiratoires peuvent réveiller les cellules cancéreuses dormantes


Richard Béliveau
Dans une étude récente, on rapporte que, chez les survivantes d’un cancer du sein, les infections pulmonaires dues aux virus de l’influenza et de la COVID-19 peuvent favoriser l’apparition de métastases en réveillant des cellules cancéreuses résiduelles ayant survécu aux traitements.
Une des propriétés les plus redoutables du cancer est sa capacité à survivre aux traitements actuels, qu’il s’agisse de chimiothérapie, de radiothérapie ou de thérapies plus ciblées.
Même si ces traitements parviennent la plupart du temps à éliminer la quasi-totalité des cellules cancéreuses, il reste qu’une infime proportion d’entre elles peut développer une résistance et demeurer dans le corps sous une forme dormante, indétectable et en apparence inoffensive, mais qui demeure néanmoins très dangereuse.
Ces cellules ont en effet conservé les caractéristiques qui avaient permis à la tumeur initiale d’envahir une région du corps et peuvent former des métastases qui sont désormais résistantes aux traitements anticancéreux.
D’ailleurs, la majorité des patients touchés par le cancer ne décèdent pas de la tumeur initiale (surtout quand elle est située dans un tissu qui n’est pas essentiel à la survie, comme la peau ou le sein), mais plutôt des métastases qui se développent dans des organes essentiels comme les poumons, le foie ou le cerveau.
Tumeurs dormantes mammaires
Ce problème posé par les cellules cancéreuses résiduelles est particulièrement frappant dans le cas des cancers du sein. Les patientes qui ont été traitées pour ce type de cancer peuvent être en rémission pendant une très longue période (parfois plus de 10 ans), ce qui peut donner l’impression d’une guérison complète, pour ensuite voir la tumeur réapparaître subitement sous forme de métastases agressives qui menacent leurs vies.
Selon une étude récente, l’un des facteurs responsables de ce risque de métastases chez les survivantes d’un cancer du sein pourrait faire intervenir les virus respiratoires comme ceux responsables de la COVID-19 et de la grippe (1).
Les chercheurs ont tout d’abord examiné si les virus respiratoires pouvaient influencer le taux de survie des personnes touchées par un cancer en général. La pandémie de COVID-19 offre une occasion en or d’étudier ce phénomène, car, contrairement à la grippe, les données sur les infections virales ont été systématiquement collectées au cours des premières années de la pandémie.
En examinant les taux de mortalité des survivants du cancer participant à la UK Biobank et qui avaient été diagnostiqués au moins cinq ans avant la pandémie de COVID-19, l’équipe a constaté que ceux dont le test était positif présentaient un risque presque deux fois plus élevé de décéder d’un cancer que les patients atteints de cancer dont le test était négatif. Les résultats sont encore plus frappants lorsque l’analyse est restreinte à la période initiale de la pandémie (décembre 2020 à janvier 2022), avec un risque de mortalité par cancer 8 fois plus élevé chez les patients infectés par le virus.
Un phénomène similaire est observé chez les survivantes du cancer du sein: une analyse portant sur 36 845 femmes touchées par la maladie indique que celles atteintes de la COVID-19 après leur diagnostic initial de cancer présentaient un risque augmenté d’environ 40% comparativement aux femmes non infectées.
Inflammation virale
Les chercheurs ont observé en laboratoire que, chez des souris ayant des cellules cancéreuses mammaires latentes au niveau des poumons, l’infection avec le virus de la COVID-19 ou de l’influenza avait provoqué une augmentation spectaculaire (jusqu’à 1000 fois) et très rapide du nombre de cellules cancéreuses, avec l’apparition de métastases à peine deux semaines après l’infection.
Le réveil de ces cellules dormantes était induit par l’interleukine -6 (IL-6), une protéine inflammatoire libérée par les cellules immunitaires, ce qui suggère fortement que c’est la forte inflammation causée par l’infection virale qui est la grande responsable de ce réveil des cellules cancéreuses dormantes.
Pour les personnes ayant des antécédents de cancer, en particulier de cancer du sein, la vaccination contre les virus respiratoires, qu’il s’agisse de la grippe, de la COVID-19 ou du virus respiratoire syncytial, semble donc une stratégie valable pour réduire le risque de récidive de la maladie.
(1) Chia SB et coll. «Respiratory viral infections awaken metastatic breast cancer cells in lungs». Nature, publié le 30 juillet 2025.