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L'article provient de Le Journal de Québec
Justice et faits divers

Les victimes d’un prêtre pédophile se vident le cœur

Le religieux âgé de 85 ans a plaidé coupable à quatre chefs de grossière indécence

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Photo portrait de Laurent Lavoie

Laurent Lavoie

2021-12-16T05:00:00Z
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Après plus de 50 ans de « colère et de rage », des victimes d’un prêtre pédophile de 85 ans ont enfin pu se vider le cœur, hier, lorsque leur agresseur a été condamné à deux ans et demi de détention.

« C’est un grand bond et ça fait du bien de pouvoir extérioriser les souffrances qu’on a vécues pendant tant d’années », a reconnu le survivant Brian Ford, représentant d’un recours collectif contre les Clercs de Saint-Viateur comptant 380 plaignants. 

Le prêtre Laurent Madore a plaidé coupable au palais de justice Salaberry-de-Valleyfield à quatre chefs d’accusation de grossière indécence envers autant de jeunes garçons entre 1971 et 1986.

Ces quatre hommes, dont un seul peut être identifié publiquement, ont pris la parole pour raconter leur histoire et s’adresser une ultime fois au religieux.

Brian Ford, 52 ans, qui a été abusé sexuellement par deux prêtres, Madore ainsi que Jean Pilon, a brisé la glace.

Impossible à oublier

« Toute ma vie, j’ai essayé de mettre ces événements derrière moi, mais c’est quelque chose qu’on ne peut pas oublier, ça fait partie de moi », a soutenu l’ancien pensionnaire du Collège Bourget, à Rigaud, en Montérégie. Celui-ci est devenu policier pour « défendre les victimes de toutes sortes ».

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Un deuxième homme, qui a aussi subi des attouchements sexuels a voulu, hier, mettre un « point final sur 55 ans de colère et de rage ». 

« Toutes ces années, ce fut un combat de tous les jours. Je ne me suis jamais aimé », a fait savoir le survivant.

L’émotion était à son comble lorsque la dernière victime s’est présentée devant la juge Marie-Chantal Doucet. Avec la voix tremblante et les poings serrés, il a déversé son fiel sur son agresseur pendant une vingtaine de minutes, arrachant des larmes à plusieurs personnes dans la salle. 

« Il a brisé ma jeunesse. Il a brisé mes rêves. Il a brisé ma sexualité. [...] Il a brisé la confiance que j’avais. Ça a détruit ma vie. »

À son entrée au Collège Notre-Dame-des-Champs alors qu’il avait 11 ans, il subissait de l’intimidation puisqu’il était bègue et timide. Le prêtre en a profité pour gagner sa confiance et l’agresser à différents moments, dont dans la douche après une activité sportive.

« Je voulais être capable de m’amuser comme tout le monde », a lâché l’homme de 66 ans, en sanglots.

Courage et excuses

La juge Doucet a salué le courage des victimes. 

« Le fait que vous mettiez des mots sur les conséquences de ces gestes-là, c’est très utile pour la justice », a-t-elle souligné.

Durant les discours, Madore semblait éviter de croiser le regard des victimes. Trop nerveux pour présenter ses excuses, c’est son avocat, Me Michel Leclerc, qui l’a fait.  

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Ce qu’ils ont dit   

Photo d'archives, Laurent Lavoie
Photo d'archives, Laurent Lavoie

« Souvent, ça ressortait dans les témoignages qu’on avait peur de ne pas être crus. Bien aujourd’hui, c’est la preuve que les tribunaux nous ont crus. »

– Brian Ford, victime


« [Votre témoignage] ça nous permet de comprendre ce que vous avez vécu. Ça nous aide – nous, les juges et la communauté juridique – à mieux traiter ces dossiers. »

– Marie-Chantal Doucet, juge


« J’espère que l’accusé, M. Madore, va se rappeler et se souvenir chaque jour le mal et cette souffrance qu’il m’a faits à moi et aux autres victimes. »

– Une victime


Photo d'archives, Martin Alarie
Photo d'archives, Martin Alarie

« La société dans son ensemble banalisait ces gestes-là [...] Les ordres religieux, comme les bonnes familles, ont tu les choses, les ont cachées, ont déplacé les fautifs souvent. »

– Me Michel Leclerc, avocat de Laurent Madore

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