Les triangles, trahisons et malaises de Brome-Missisquoi

Chaque semaine, durant la campagne électorale fédérale, notre chroniqueur politique Antoine Robitaille prend le pouls des électeurs de plusieurs régions du Québec particulièrement touchées par la guerre tarifaire initiée par Donald Trump.

Pour moi, c’est du jamais vu.

Un père et un beau-père qui s’affrontent dans des élections ! Ajoutez à cela un maire qu’on croyait bloquiste qui décide à la dernière minute de devenir rouge et vous avez une bonne idée de la campagne fédérale dans Brome–Missisquoi (BM).

Malaises

Le père, c’est Steve Charbonneau. « Un petit gars de la place », me dit-il fièrement, dans le Tim Hortons de Cowansville, jeudi. Petit gars... relativisons : l’ex-plaqueur défensif des Alouettes fait 6 pi 5 po », 280 lb. Il a l’autodérision facile : « J’ai jamais joué pour la NFL, je ne savais pas compter plus que trois essais ! »

Charbonneau est aussi ex-mari et père des deux enfants de la ministre des Sports de la CAQ, Isabelle Charest. En prévision des élections de 2018, François Legault et François Bonnardel étaient débarqués dans sa cuisine pour tenter de le convaincre de plonger avec eux. Il hésite. Propose à Isabelle Charest de se joindre à la conversation. C’est finalement elle qui sera candidate et élue en 2018 !

Pour sa candidature avec les conservateurs, Charbonneau a peu hésité. Sa rencontre avec P. Poilievre en 2024 fut décisive. Sa décision prise, il en informe la mère de ses enfants. Mais le nouveau conjoint de Charest, le comédien Jeff Boudreault, est dans l’auto. Lui aussi, après des pourparlers avec le Bloc, avait accepté d’être candidat... dans BM. Ce n’est pas encore public. Dans l’auto, Boudreault éclate de rire. « Je ne pouvais pas lui dire ! J’ai eu l’impression qu’il s’est senti trahi, pauvre lui », raconte, au Caffuccino de Magog, celui qui a déjà incarné un ministre — désagréable — dans la série La galère.

Doutes

Lorsqu’il apprend que Boudreault se présente, Charbonneau songe à renoncer. « Je suis un homme de parole, mais j’ai eu un moment de doute. » Les deux se sont retrouvés jeudi, côte à côte, à l’activité « Dîner pizza Élections » du Carrefour jeunesse-emploi Memphrémagog, boudée par les autres partis. Ils ne se sont pas écharpés. L’un renchérissait même sur les propos de l’autre, raconte-t-on. Sauf sur les oléoducs. « J’ai dit à Steve : “C’était probablement une bonne idée il y a 30 ans, mais l’Europe achète de moins en moins d’hydrocarbures.” »

Boudreault et Charbonneau s’entendent cependant sur une chose : déplorer l’absence du candidat libéral Louis Villeneuve, maire de Bromont. « On dirait qu’il se cache. »

D’ailleurs, le comédien était proche du maire. Ici, c’est Boudreault qui se sent trahi : « C’était un ami. » Rien ne laissait présager cette candidature rouge. De fortes rumeurs dans BM veulent que lorsque le Bloc était au sommet des sondages, M. Villeneuve l’ait approché pour s’y présenter. Le principal intéressé ne nie pas totalement. « J’ai parlé à toutes sortes de personnes pendant des années. [...] Y compris le Bloc. » L’homme de 69 ans jure n’avoir jamais voté oui à la souveraineté du Québec. Il vante « les valeurs » du PLC et martèle que Carney est « la personne la mieux placée pour dialoguer et négocier avec M. Trump ».